La sortie a bien commencé. On est dans la baie de Somme, on traverse des bras de mer avec de l’eau jusqu’au genou, on progresse au milieu d’une végétation étrange, quelques touffes de salicorne crissent sous nos pas, des chasseurs reviennent de leur huttes avec sous leurs bras des canards qui braillent, la lumière est très belle, à l’horizon le soleil se cache mais ses rayons dessinent de larges faisceaux qui descendent vers la terre, il n’y a pas de vent, des odeurs inconnues nous chatouillent les narines, on a chaud, l’air me semble tiède, on franchit de nombreux fossés nappés d’une vase gluante, ce moment est extatique, j’ai l’impression de baigner dans un tiède liquide amniotique, je parle d’utérus aux confrères. Ils me connaissent, ils rigolent.
Haïku
Moite baie de Somme
La confrérie s’enfonce
Et s’abandonne
Après ce somptueux départ, Domi et Simon, les traceurs, entraînent la confrérie dans les ruelles médiévales de Saint Valéry sur Somme. Ils nous font découvrir une petite maison de pêcheur dont l’occupant utilisait la façade pour transmettre toute une foule d’informations aux passants. Il est question, entre autre, de sous marins, de noms de bateaux de pêche, des profondeurs des fosses marines et ch’coin minteu est la cerise sur le gâteau.
A la pointe du Hourdel on a la chance de voir un phoque de très près. Il nage à contre courant à quelques mètres du bord de la plage. Il disparaît parfois longuement sous l’eau et réapparaît plus loin. C’est un bel animal, on est si près qu’on voit ses moustaches. On s’attarde tant ce spectacle nous surprend.
Passé ces 25 kilomètres magiques nous avons plus ou moins tous soufferts pendant les 40 kilomètres suivants. Sauf Domi qui nous a guidé d’un bout à l’autre sans défaillir.
Souffrance et mental
J’ai beaucoup souffert pendant ces 40 kilomètres, je ne sais pas si c’était parce que je ne me suis pas encore remis de l’UTMB un mois avant mais en plus ma cheville m’a fait souffrir après que je me la soit retournée au dixième kilomètre et après avoir avalé 4 oeuf dur à midi j’ai été barbouillé tout l’après midi.
Il n’a pas été question d’abandonner pour autant et j’en ai bien profité pour méditer encore une fois sur mes aptitudes dans ce sport si particulier de l’ultra trail. Je me suis dit qu’avec mon pedigree (2 fois 100 miles dans l’année, The Spine Challenger et l’UTMB) mon mental devait maintenant être assez fort pour surmonter mon calvaire de ce jour. J’ai pensé par ailleurs que si ma cheville me faisait souffrir c’était pour notre bien à elle et moi car elle était en train de se renforcer pour mieux m’accompagner au grand Spine de janvier 2018. Sur la fin j’ai eu envie de vomir et de faire une micro sieste pour mieux repartir, vomir m’avait bien réussi sur la TDS et une micro sieste m’avait reboostée dans la phase finale de la Maxi Race. J’ai tellement galéré qu’après avoir compté chaque kilomètres j’ai été tout surpris que tout d’un coup nous soyons arrivés.
Même si ça aura été assez dur pour moi ça ne s’est pas trop vu car beaucoup ont eu encore plus de mal. La confrérie est vraiment une bonne école de la persévérance et j’ai encore plus que d’habitude admiré la gentillesse d’Olivier. C’est dingue ce qu’il arrive à faire de nous, les misérables confrères en déroute. Il sais trouver les mots qui redonnent de l’énergie. Il parle à notre mental et comme c’est ça qui compte on n’abandonne pas.