Gtif – la Grande Traversée de l’Île de France

Il est 20h, on est dans un café sur les berges du Canal Saint Martin, Matthieu vient de nous rejoindre, on n’est pas en avance par rapport à l’objectif, Manu paye la tournée, il discute avec le serveur, il apprend que nous allons arriver dans un endroit peu recommandable, le local suggère que nous détournions la trace et que nous passions plus à l’Est, éventuellement, nous pourrions voir avec l’aéroport du Bourget pour qu’ils nous ouvrent leurs portes pour pouvoir dormir dans un endroit sûr.

On va entrer dans le BFM land, là où les voitures brûlent, les sauvageons règnent, la république en capilotade, on y allume les poubelles à la mémoire de Nahel, les pieds d’immeubles ne sont que des points de deal, les mères toujours célibataires, la religion omniprésente, une pure réserve indigène.

Avec nos consciences sans doute affaiblies par la fatigue, notre lucidité dans les chaussettes, la sainte trace a décidé, nous poursuivons, totalement inconscients le long du canal Saint-Denis.

La première épreuve est le passage sous un pont, un camp de migrants s’y protège des intempéries, il ne reste qu’une petite bande entre les tentes et le canal, on hésite un petit peu, je ne sais pas pourquoi, la peur d’être anachronique ? Bon, on y va quand même, des gars jouent aux cartes entre deux tentes, ils sont sympas, nous souhaitent une bonne soirée.

Peu de temps après on arrive au stade de France, l’endroit est désert et sinistre, des éclairagistes s’activent pour le concert de Muse, un gars dort par terre avec un sac à dos.

On arrive à Saint-Denis, il y a des terrasses encore animées, des gars nous posent des questions sur notre projet, on continue et on s’arrête dans un kebab pour boire un coca. Un des gars qu’on avait vus en terrasse juste avant passe nous voir, tenant son gamin par la main, pour voir si tout va bien.

On continue, notre trace nous fait faire un détour pour aller voir la fameuse basilique de Saint-Denis, là où sont enterrés les rois carolingiens et mérovingiens. Les bistrots sont en train de ranger leurs terrasses, minuit est derrière nous, un gars et deux filles sur un banc, une des filles bloque sur Ger, je ne capte pas bien la scène, la fille est brune, très jeune, tout le monde pense que c’était une tox, difficile d’en parler mais bon, c’est un des évènements de notre aventure et on aurait risqué de l’oublier, alors il est là.

Devant la cathédrale de Saint-Denis, une bonne demi-douzaine cars de CRS. C’est clair qu’après la mort de Nahel, une ou deux semaines avant que nous ne soyons là, il y a eu des émeutes. C’est bien calmé au moment où nous passons, il ne reste que des tags Nahel tout partout, mais ces CRS sont quand même là. Ça nous choque qu’ils ne répondent pas à nos bonjours.

Pour moi c’est un moment merveilleux, les soldats de Macron qui protègent un lieu saint dans un territoire peuplé d’infidèles alors que personne, dans les rues, n’en a rien à foutre des tombeaux des carolingiens. Cela me plonge dans un abîme de perplexité. Quelque chose d’assez indicible. En tout cas c’est clair qu’il y avait un gros décalage entre la vie nocturne paisible à Saint-Denis et cette présence policière.

Ensuite on longe assez longuement la Seine, on a envie de dormir et on aurait bien trouvé un coin d’herbe adéquat mais rien ne s’impose. Avec Domi on trouve un petit ponton bien tranquille mais il ne fait pas l’unanimité. La peur du froid de l’eau, des moustiques, et une réminiscence de l’expérience traumatisante sous le pont de Normandie,  font que nous y renonçons.

Nous continuons dans une banlieue pavillonnaire. Des pavillons en pierre de meulière (hein les gars, vous vous en souvenez ?) et au loin on aperçoit le Graal, plusieurs hautes tours de HLM. Un Graal parce qu’on sait qu’au pied des tours on va trouver un parc pour enfants où on va pouvoir dormir sur un sol capitonné avec un genre de caoutchouc.

Eh bien ça se passe comme prévu, on trouve le parc pour les gamins au pied des tours, on n’en peut plus, on va y être bien, consensus dans la bande. Deux femmes voilées discutent sur le banc du parc. On leur demande l’autorisation d’y bivouaquer, elle sont d’abord réticentes mais finalement, n’y voient pas d’inconvénients. Tandis que nous discutions avec ces femmes, un gars vient leur demander si tout va bien. Et on dit, sur BFM et ailleurs que le problème des banlieues c’est la perte du lien social ? Ce n’est absolument pas ce que nous expérimentons.

Je dors très bien sur l’enrobé caoutchouté du parc de jeux mais pas mes camarades, des loulous écoutent de la musique dans un parking adjacent, ça perturbe longtemps le sommeil des compagnons, dommage.

Au réveil on trouve une boulangerie minable, devant la boulangerie deux grands blacks papotent, lorsque nous repartons, ils nous questionnent sur notre projet, lorsqu’ils apprennent ce qui nous attend ils nous encouragent avec une drôle de maxime : force et honneur.

Bon ben voilà, l’essentiel du compte rendu est déjà là, je ne sais pas trop comment continuer. J’ai encore des trucs à rapporter, je vais mettre tout ça en vrac, de manière plus ou moins chronologique, sans chercher à faire des enchaînements.

C’est notre cinquième année consécutive, pratiquement avec la même équipe, pendant 3 jours en juillet. On a déjà fait la GTCO, une trace de la confrérie et ensuite on est allé de La Panne à Anvers puis du Havre au Crotoy et l’an passé du Havre à Mantes la Jolie. On est bien rodé maintenant, c’est surtout l’affaire des bivouacs qui s’est améliorée.

On quitte une belle campagne pour passer dans un centre commercial quasi désert en pleine journée. Le contraste est saisissant entre la si belle nature et la laideur d’un centre commercial ridicule, tout neuf, avec des parapluies pour se donner un genre…

Le Mont Valérien, la résistance, les commémorations avec les présidents, tout ça… Je suis très déçu, c’est très sobre mais pas charmant du tout, un endroit que je vais me dépêcher d’oublier.

On passe par l’immense château de Saint-Germain-en-Laye, le parc aussi est immense, la vue sur Paris est sublime, on se régale.

Il est temps de manger et on est au Vésinet, une des communes où le prix du mètre carré est le plus haut de la banlieue. On se mets d’accords pour une petite brasserie sur un boulevard. Entrée plat dessert (humm les belles îles flottantes maison) pour moins de 20 balles. Seb aurait été bien content, dommage qu’il n’ait pas pu venir.

On arrive dans le fameux bois de Boulogne, des drôles de gars torses nus exhibent leurs pectoraux, on passe près d’une prostituée sur une chaise au bord de la route. Le monde est triste.

On est sous l’Arc de Triomphe, je pense aux gilets jaunes, je ne sais pas pourquoi, des genres de scouts sont en pleine commémoration, il y a des uniformes et une foule de touristes. On a failli perdre Lolo.

On est sur les Champs Élysées, c’est le cafard, aucun intérêt, il y a plein de touristes de toutes les nationalités, tout le monde a l’air de faire du shopping. C’est sinistre d’imaginer que ces gens ont brûlé du kérosène pour venir faire du shopping sur les Champs Élysées. Des chailles de luxe aurait dit Faby.

On arrive dans la forêt de Montmorency, on longe un plan d’eau paisible, au bout de ce plan d’eau un merveilleux petit château fort, c’est le château de Chasse. Avec Lolo on est ravi par ce spectacle.

A Bouffémont on boit une bière et on tombe sur un délicieux restaurant portugais, encore un dessert, notre aventure est gastronomique.

En début d’après midi on est dans la plaine, le cagnard frappe fort, l’eau vient à manquer, on passe par des villages, on compte se ravitailler dans les cimetières. Une dame fait du nettoyage avec un Karcher, on va lui demander si elle ne pourrait pas nous remplir nos gourdes, elle s’exprime assez mal en français, on pense qu’elle est d’origine portugaise. La mama est très gentille, elle part dans sa baraque et revient avec plein de bouteilles d’eau, du Perrier entre autre. On la bénit, Lolo pense au selfie, et on repart.

Il continue de faire très chaud, à Luzarches on envisage d’abréger l’aventure, de remplacer Soissons par Chantilly. On vote, Matthieu n’a pas le droit de vote car c’est sa première, c’est la naissance d’une règle, on va s’arrêter à Chantilly, on est triste.

A Coye-la-Forêt on se sépare, Lolo part par la ligne droite vers Chantilly et le reste de la troupe fait le détour pour passer par le château. 2 minutes après la séparation on la regrette, on se dit que c’est idiot de ne pas finir ensemble, on est en train de tout gâcher. On part à la chasse au Lolo, il est rapide le gaillard, on met plusieurs kilomètres pour le rattraper, on le double sans rien dire, au virage qui suit on s’arrête, lorsqu’il arrive on allume des fumogènes apportés par Domi et Matthieu, c’est son anniversaire. C’est un moment merveilleux de partager tout ça ensemble.

A Chantilly on essaie d’aller voir le château, il n’est pas éclairé, c’est un genre de château de Versailles sans grand intérêt, je suis déçu, je suis avec Matthieu, on a gardé nos frontales dans le parc, on croise des jeunes, ils nous traitent de blaireaux avec nos frontales, Matthieu est très énervé, je rigole.

On bivouaque dans le parc du château, on fait peur aux promeneurs de la nuit qui rentrent de soirée.

Arrivé à Lille, Gégé nous attend à la gare, on se boit une dernière bière ensemble. Gégé nous demande ce qui nous a le plus plu dans cette aventure. Tout le monde évoque notre nuit à Saint-Denis, on est tous d’accord. C’est un moment très émouvant. On a déjà hâte d’être l’année prochaine. Gégé va nous rejoindre, il n’aura pas le droit de vote car ce sera sa première.

 

 


Pour compléter ce petit CR, voici la super vidéo de Lolo

Et la trace téléchargeable :

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