L’an passé j’étais venu avec Manu dans le Peak District et je n’avais pas réussi à gravir les 10 sommets du jour.
J’avais quand même énormément apprécié le truc et ça s’était vu dans mon compte rendu qui a donné à Ben l’idée de monter une nouvelle expédition à la conquête de ces 10 sommets plus ou moins mythiques (je veux dire que le Skiddaw, Scafell Pike, Helvellyn, Great Gable ou Pillar c’est quand même plus mythique que Ill Crag ou Esk Pike). On est donc parti à 4 avec Ben, Simon et Domi et ça complique beaucoup la rédaction d’un compte rendu car il y a tant de choses à dire, tant de moments que l’on ne voudrait pas oublier que dans ce genre de cas, la publication d’un compte rendu est une opération frustrante.
Alors que j’étais plongé dans la rédaction de ce compte rendu, j’ai eu l’idée de demander à mes collègues si ça leur disait de contribuer au CR en me répondant par écrit à la question « quel est votre meilleur souvenir de votre journée 10 peaks ? ». Domi nous a donné un petit texte marrant, Ben 2 scènes de pièces de théatre et Simon un CR complet. Pour Domi et Ben, je vais insérer dans mon CR leur contribution en italique et Simon aura droit à un article indépendant.
Bon, assez de circonvolutions, venons en aux faits.
Départ
On est vachement en avance pour prendre le bus à Keswick (On prononce Kesik d’après des gars rencontrés par Ben en Savoie) pour aller au pied de Helvellyn. On écoute un remix de Mad world de Tears for fears dans la voiture. C’est notre morceau fétiche sur la clef USB de Ben. La phrase complète c’est « When people run in circle it’s a very very mad world » et justement c’est bien car on va juste faire un grand cercle aujourd’hui…
Helvellyn – 950m
Moins de midges que l’an passé (note pour moi même, zut ça va être chiant si je fais toujours référence à l’an passé).
On part ensemble très tranquillement avec 2 objectifs : rester ensemble jusqu’au bout (on appelle ça le mode confrérie ) et finir en moins de 24 heures.
Un gars bivouaque au sommet. Il doit être hyper bien.
Superbe lever de soleil sur Swirral Edge et Striding Edge.
Pour la descente je passe par l’herbe et c’est très agréable et beaucoup plus rapide. J’arrive avec quelques minutes d’avance au premier ravito. J’ai l’impression que ça va passer tout seul.
En les attendant je me gave de Soreen « The original malt loaf – Deliciously squidgy energy ». Un genre de pain noir aux raisins qui passe vraiment très très bien.
Bowfell – 902m
Après le ravito le passage dans les vallées marécageuses me semble moins interminable que l’an passé. J’avais baptisé ce passage la vallée de la mort dans mes avertissements aux belges rencontrés sur le bateau mais c’est vraiment exagéré
La montée vers High Raise (un peak de 802m qui fait partie des 10 peaks de la short mais est seulement mandatory sur la long) est toute verte et le plongeon après le sommet super spectaculaire. Cette vue avec Angle Tarn dans le fond est une de mes préférées de la journée.
L’ascension de Bowfell est plus sèche que la descente de High Raise.
On est bien. Domi nous chante des standards des années septante.
Après Bowfell on est sur un plateau que l’on ne quittera qu’après Scafell.
Au check point de Esk Hause notre troupe est immortalisée par un sympathique marshall (dans un cr en France on dirait un bénévole mais je trouve que marshall ça sonne mieux). Eau rationnée à ce CP.
Great End – 910m
Un des sommets du plateau. Je guide les confrères vers le sommet qui se trouve sur la gauche du plateau. On avait galéré avec Manu en 2015 pour trouver le sommet dans le brouillard.
Ill Crag – 935m
Celui là on l’avait carrément zappé avec Manu mais Ben avait fait une reconnaissance préparatoire en mai pour que ça ne se reproduise pas.
Belle vue sur Scafell Pike, point culminant de l’Angleterre (donc pas point culminant du royaume uni hein).
Notez que pour moi ce Peak s’appelait III Crag (3 Crag) jusqu’à ce que Domi entende Ill Crag (un crag est une colline ou une montagne rocheuse d’après la Wikipedia). Ill Crag ce serait donc la montagne rocheuse malade. Bizarre.
Broad Crag – 934m
Je ne m’en souviens pas particulièrement de celui là. Il me semble juste qu’on s’est servi des mains pour le gravir.
Scafell Pike – 978m
On croise des randonneurs en espadrille sur le chemin et aussi des gars qui font la course. On croit à un moment qu’ils ont décidé de se prendre la pénalité de 2 heures de ceux qui ne font pas Scafell mais non, ce sont juste des gars qui font la version courte.
Plus de monde qu’ailleurs sur le point culminant de l’Angleterre mais on ne traîne pas.
Au rescue booty de Mickledore, on fait la photo officielle de la sortie avec nos beaux maillots du club.
Scafell – 964m
L’an passé on n’avait pas pris le lit du torrent de Foxes Tarn avec Manu. Cette année on ne l’a pas raté et l’endroit est très impressionnant. C’est du scrambling (pas de l’escalade mais on se sert de ses mains). On y croise plusieurs gars qui vont faire Great Gable avant Pillar dont un français qui travaille à Birmingham.
C’est dur, on commence à en avoir plein les bottes mais tout le monde est content, la journée se passe bien.
On arrive au sommet en même temps qu’un nuage. Ambiance féerique.
On revient un tout petit peu sur nos pas pour chopper le début de la descente qui part plein ouest.
Il y a des randonneurs avec chien dans la descente. Le chien est gentil.
Juste avant le toboggan on est doublé par un groupe de 3 ou 4 coureurs qui passent comme des fusées. L’un d’entre eux n’a pas de sac, c’est sûrement un gars qui tente le Bob Graham (42 sommets à faire en moins de 24 heures).
Le toboggan est décevant. Il y a des cailloux qui font mal au cul. Je suis désolé car c’était pour moi un passage de rêve et j’avais bien donné envie à mes compagnons de passer par là. C’est peut être les 2 petits vieux de l’an passé et leurs précieux conseils qui nous auront manqués ?
On est toujours en pleine forme et on trottine dans la vallée jusqu’au pub de Wasdale Head.
On y boit une bière comme l’an passé (sauf Simon qui adore le cider) et on se détend bien. On grignote les reliefs d’un repas abandonnés sur la table d’à côté (pizza au cheddar, frites…). On pense au ravito chez Jean Michel lors de la dernière confrérie. On est bien.
La contribution de Domi sur ce bon moment
Meilleur souvenir des 10 Peaks nous demandes tu ?
- Les restes de frites, les miettes de tarte au Cheddar
- Volés aux piafs du Ritson’s bar
- Wasdale Head, à mis-parcours, direction Pillar
- Bières fraîches, encore 12 heures de route entre gaillards
Alexandrins ! Yann, Sim, Ben, clin d’œil aux haïkus.
Pillar – 892m
Le petit pot en course ne réussit pas à tout le monde et Simon a son premier et dernier petit coup de mou au tout début de l’ascension de Pillar.
Le paysage est majestueux. Ben parle de vallées pyrénéennes.
Je décide d’entraîner la bande sur un raccourci repéré l’année précédente. C’est un bon choix mais c’est au tour de Ben d’entrer dans le dur.
Ben est le premier gars qui se met à foncer quand ça ne va pas bien. Il fonce dans la montée et foncera encore dans la descente. Nous ne le rattraperons qu’après le col de Black Sail
La montée vers le sommet de Pillar est interminable mais comme je le sais d’avance ça passe mieux.
Pour la descente je prends un chemin plus direct qui longe la crête sur la droite. J’utilise pour la première foi de ma vie le sifflet de mon sac d’hydratation pour prévenir les copains de mon choix d’itinéraire.
On ne croise plus beaucoup de concurrents depuis que ceux qui font la courte nous ont quitté au sommet de Scafell Pike.
Après le Black Sail Pass on rejoint le check point par un long passage sur un monotrace pas toujours bien marqué qui contourne Kirk Fell.
Peut-on dire suivre l’isoline pour parler de ce passage ? Une petite recherche dans la wikipédia me donne tort, il faut dire suivre l’isoplèthe d’altitude. Les confrères ont raison, je suis un pédant…
Au check point on est accueilli par un marshall super sympa qui porte une doudoune Montane siglée The Spine. Il en est finisher et marshall. Il nous dit qu’après Great Gable le ravito d’Honister est à moins d’une heure et que c’est « much much much easier ». Ce gars nous fait bien rigoler. On est très détendus.
Great Gable – 899m
On attaque gentiment l’ascension de Great Gable, c’est encore du scrambling avec les mains. C’est très raide mais pas très très long. On rencontre dans la montée un marshall très sympa, il gambade comme un chamois sur les flancs escarpés de la montagne.
Lors de la montée on entrevoit notre pub de toute à l’heure et en haut on est complètement dans les nuages.
On descend par un passage sur l’est, censé être plus facile que la voie de l’ascension mais ce n’est pas évident.
Au début de la descente j’enfile ma Goretex et Simon me dit que c’est idiot car il va faire beau dans 10 minutes. Je me méfierai de ses futures prévisions météorologiques car 2 minutes plus tard c’est le déluge dans la descente, et la pluie ne s’arrêtera qu’environ une heure plus tard. C’est plus dur et désagréable de progresser sous la pluie, ça casse l’ambiance mais personne ne flanche.
Il me semble que c’est bien long pour atteindre le YHA de Honister, on passe par le strange chemin de tramway désaffecté. J’aurai préféré couper par l’herbe à partir de Grey Knots mais la trace GPS de Ben n’est pas faite comme ça.
Sur le parking de la carrière de pierres on croise de nouveau une équipe manifestement impliquée dans le Bob Graham.
On est content d’arriver au ravito d’Honister avec ses plats chauds. J’ai prévu de ne pas me gaver bêtement au prétexte que ça passe bien et qu’il faut en profiter. Il y a 3 plats chauds différents qui nous sont proposés.
Dès qu’on entre on voit que Domi fait une drôle de tête et il dit que ça va pas bien. Il essaie d’aller vomir mais ça ne vient pas. On décide d’attendre qu’il aille mieux et on le bichonne. On sait qu’on n’a pas trop de temps d’avance par rapport au tableau de marche de Manu de l’an passé. Ben déclare qu’on doit attendre Domi et que c’est pas grave si on met plus de 24 heures tant qu’au moins on se fait le Skiddaw. Simon et moi sommes d’accord. En fait Domi se remet assez vite, arrive à manger quelques pâtes, 2 crèmes Mont Blanc de Ben et donne le signal du départ.
On est très content, la compagnie se remet en route et Domi préfère se mettre dans les pas de quelqu’un de pas trop rapide. Je prend le lead pour la montée qui passe sous le sommet de Dale Head et la descente vers Dalehead Tarn et le chemin qui part en fond de vallée vers Little Town.
Dans la descente on observe un bivouac de plusieurs tentes près de Dalehead Tarn et ensuite une petite tente dans un très bel enclos en pierre. On se dit qu’ils doivent être vraiment très bien.
Arrivés au fond de la vallée on se remet à courir mais Ben nous dit qu’il est à la limite de l’hypoglycémie et qu’il peut marcher vite mais pas courir. C’est incroyable comme il marche vite le gaillard. On a un mal de chien à suivre la cadence.
A ce moment on sait que l’on est un peu en avance sur le tableau de marche de Manu, que lui il devait courir mais que comme il naviguait avec carte et boussole, il avait pas mal jardiné avant d’atteindre le Skiddaw. Donc normalement, sauf imprévu, on devrait le faire en moins de 24 heures cet énorme défi.
Je suis super content. C’est dans cette étape que j’avais piteusement abandonné l’an passé. Voir que cette année ça passe presque tout seul est un grand soulagement.
On atteint donc en marchant le dernier ravitaillement de Nichol End, on ne s’attarde pas, en route vers le sacré Skiddaw.
Skiddaw – 931m
Le Skiddaw est une montagne importante pour nous tous. On a dormi à ses pieds à Keswick et on n’a pas cessé de la voir en particulier depuis les cercles de pierre de Castlerigg, notre pique nique à l’arrivée à Keswick. Ben l’a gravi lors de sa reconnaissance de mai, Domi est déjà venu faire une course là 2 ans avant avec son pote Jérôme et pour moi c’est LE sommet que je n’ai pas « fait » l’an passé.
La section entre le ravito et le début de la montée est plus longue qu’elle n’en a l’air. On se demande comment ceux qui font ça avec carte et boussole peuvent bien s’y repérer. On pense à Manu et aussi au belge champion de CO.
Lors de la liaison avant le début de l’ascension on s’amuse à dire « mais il est où le Skiddaw ? ». Cela fait référence à une photo postée sur Facebook et prise à Castlerigg. On dit ça aussi parce qu’on voudrait bien abréger nos souffrances et enfin affronter ses pentes abruptes.
Enfin on y arrive et il nous reste 4 heures avant le temps limite. 4 heures pour monter à 931 mètres et redescendre. Environ 800m de D+. J’essaie de noter notre vitesse ascensionnelle et elle tourne entre 500 et 600 mètres par heure. Ça veut dire que c’est bon, on devrait arriver au sommet vers 1h30 et il nous restera 2h30 pour arriver à Keswick.
Juste avant l’arête sommitale il y a un passage très raide dans lequel on se perd. On se retrouve sur des petits blocs de schiste instable et on n’est manifestement plus sur aucun chemin. Simon part vers la droite et Ben et Domi vers la gauche. Je me retrouve tout seul dans ce merdier et ce n’est pas drôle du tout. J’ai vraiment très peur de me casser la gueule, on n’y voit rien, on est dans un brouillard très humide et il y a du vent, mes lunettes étant inutilisables, je les ai rangée contre ma poitrine, ma frontale (Black Diamond Cosmo) est nulle, elle ne perce pas le nuage mais au contraire crée une ambiance cotonneuse autour de moi. Je suis sans bâtons comme à la TDS et je me demande si c’est une bonne idée. J’ai l’impression de ne plus voir mes pieds. Je perds de vue complètement mes 3 compagnons. Mon petit cœur bat la chamade, je pense à Manu et me demande bien comment il a pu surmonter le truc en plus dans des conditions encore plus terribles… Je crie mais personne ne répond… A un moment je perçois un halo lumineux mais c’est la lune qui perce la couche nuageuse. Bonjours l’ambiance.
Finalement j’atteins l’arête du sommet et le nuage se dissipe, j’aperçois Ben et Domi qui s’approchent du cairn sommital. Je les rejoint, on est heureux. Je dibbe 4 ou 5 fois dans l’appareil qui enregistre nos passages. C’est un peu le plus beau jour de ma vie.
Ben nous fait observer que l’air est salé, la mer n’est pas loin, il y a du vent mais pas tant que ça. On voit les lumières orangées des installations industrielles de la cote vers l’Écosse, la lune nous éclaire. C’est magique le Skiddaw à 1 heure du matin. Un peu sinistre aussi, les pierres noires et humides, le climat pas très hospitalier. On se dirait dans un paysage décrit par Lovecraft. L’enfer en quelque sorte.
Ensuite, on se demande quoi faire au sujet du cas de Simon qui a disparu. Ben dit qu’il a la trace dans sa montre mais se demande s’il n’a pas continué à droite vers la descente. On est sur le point de repartir quand on voit sa lumière dans la nuit. On est content d’être réunis là, au sommet du Skiddaw, à 1h30 du matin. Il ne reste plus qu’à descendre.
La descente est relativement douce, elle ne présente aucune difficulté particulière (sauf la navigation vers la fin) mais moi j’ai des ampoules sous les talons, sous les orteils, sur les cotés avant droit et gauche des pieds et aussi sur les arrière droit et gauche. Une horreur, chaque pas me coûte beaucoup.
Mes compagnons marchent d’un bon pas et je suis rapidement distancé. Je ne vois plus leurs lumières. J’ai envie de m’arrêter là, de les laisser finir leur course, c’est hyper démotivant de se sentir abandonné au milieu de la montagne, ils sont 3 et il n’y en a pas un pour se rendre compte que ce n’est pas le bon nombre ? Vraiment je suis dégoutté à ce moment là. Je me dit aussi que je ne serais pas revenu sur les 10 Peaks si on ne me l’avait pas demandé et que j’étais bien récompensé d’avoir voulu faire plaisir. Il ne me reste plus qu’une motivation, finir quand même sous les 24 heures car si on a gravi le truc en 1h30 il n’y a aucune raison de ne pas arriver à le descendre en 2h30 et quand même, c’est très très important pour moi de ne pas refaire un DNF au 10 Peaks. Néanmoins je me pose beaucoup de questions sur la solidité de l’adage des confrères « on commence ensemble et on finit ensemble ». Je sais que mon humanité ne dois pas dépendre de celle des autres, que la loi du talion est une loi barbare, que Jésus a dit « si on te gifle sur la joue droite, tend la joue gauche », mais quand même là, c’est vraiment dur… Mon instant de solitude me semble durer une éternité, toute ma vie défile comme s’il s’agissait de mes derniers instants. Carrément un NDE (Near Death Expérience), j’entre dans le tunnel… D’un certain coté c’est ce que je cherche aussi en venant là, sortir de ma zone de confort comme on dit aujourd’hui. Vivre et mourir sur le Skiddaw. Je sais, j’exagère, mais vous n’êtes pas non plus obligés de me lire si ça vous emmerde…
Finalement ils m’attendent et je les rejoint, je leur dit qu’ils peuvent faire leur course, que je serai très content qu’ils me laissent là, que je vais me débrouiller et que je n’ai pas besoin d’eux. Domi me dit que j’ai pété un câble et qu’il n’est pas question qu’ils m’abandonnent. On repart à mon rythme tous ensemble.
J’ai très très honte de ma conduite lamentable auprès des confrères. J’ai peur de les avoir trop bousculés avec ma comédie (comme aurait dit feu mon père). Je suis quand même pas mal énervé au début mais je me calme et décide même de m’excuser pour mon comportement inacceptable et odieux.
J’attends que l’on ait franchi la ligne d’arrivée, que l’on ait nos médailles autour du cou pour m’excuser et ça me fait du bien. M’excuser me rend mon humanité. En plus j’ai l’impression que notre relation et tout ce qu’on a vécu ce jour là n’avaient pas besoins de ces excuses.
Les contributions de Ben
SKIDDAW’S BLACK-OUT ou LA DISPARITION DE SIMON
Quand tout est parti en couille en 30s dans le raidard sous la crête du Skiddaw à 1h15 du matin après plus de 21h de « course » dans la bruine, la nuit et le vent.
1 : Simon, devant, dévie à peine de la trace peu marquée.
2 : Et on se retrouve sans rien y voir dans une pente de cailloux raide et très instable mais encore groupés à 4.
3 : Simon disparaît brutalement dans le noir.
4 : On retrouve la trace, on arrive sur la crête, Domi et moi, et aucun signe des 2 autres !!!
On attend, arrivent des frontales dans la brume mais c’est un groupe de BGRistes : « nice place ! » ils disent
On attend, Yann débouche du chemin de montée :
Yann « …la panique… »
Ben « Tu cherchais pas Simon ? »
Yann « …j’ai sauvé ma peau….rien ne tenait…je vois rien avec cette frontale… »
Le ciel se dégage provisoirement, on fait l’A/R au sommet tout proche sans Simon
On revient, on voit une frontale, on gueule « Simon » plusieurs fois, ça ne répond pas
C’est bien lui, il marche mécaniquement avec ses bâtons, le visage blafard dans la lumière de nos frontales.
Il ne dit rien, ne s’arrête à notre passage, continue à fixer droit devant et à marcher mécaniquement avec ses bâtons.
Il est devenu fou.
Simon fait l’A/R au sommet. Il nous rattrape et nous parle, il n’est pas devenu fou.
On entame à 4 la dernière descente vers Keswick.
EPILOGUE :
Le pointage GPS au sommet et notre attente montrent que Simon a disparu entre 5 et 10 minutes.
Tout est vrai, je n’ai rien exagéré ^^
SKIDDAW’S DARKNESS ou LA DECOMPRESSION DE YANN
Dans la descente nocturne du Skiddaw
juste avant 2h45 du matin
à près de 23h de « course ».
Yann a des ampoules très douloureuses aux pieds et avance péniblement dans le chemin pentu.
Il est franchement 100-200m en arrière depuis pas mal de temps, Simon, Domi sont devant et je suis un peu derrière eux.
On n’est qu’à 3km de l’arrivée, il y a une barrière dans la descente, on se rassemble et on attend Yann.
Yann arrive et rentre dans une vraiment grande colère avec des grands gestes.
Yann « J’AI TRÈS MAL AUX PIEDS ET JE SUIS SEUL EN MONTAGNE !!! … VOUS NE M’ATTENDEZ PAS ! … PARTEZ A 3 PUISQUE VOUS ALLEZ VITE ! … «
Ben « T’as pas la trace ! »
Yann « J’AI MON PORTABLE!! LAISSEZ MOI SEUL DANS LA MONTAGNE !!! … »
Domi « OH !!! … T’ARRÊTE !!! C’EST QUI LE PLUS VIEUX ICI !?! … ON A COMMENCE A 4, ON FINIT A 4. »
Ca retombe très vite et on finit à 4 sans aucun pb.
On aurait dû attendre avant.
Tout ça est normal,
J’aime ce passage car il était sincère mais très grandiloquent.
On en a bien rigolé.
EPILOGUE :
Moi quand ça ne va pas, je deviens mauvais et me ferme sans qu’on sache pourquoi.
C’est encore pire pour les autres et c’est arrivé pendant 1h30-2h du côté de Pillar.
Yann a lâché la soupape rapidement et tant mieux ^^
Fin
Voilà ce compte rendu tire à sa fin, je me demande si quelqu’un le lira jusqu’au bout. Je ne voulais pas entrer dans les détails du psychodrame final et évoquer le truc avec une phrase du genre « sur la partie finale j’ai appris que je n’aimais pas être le dernier », seuls les confrères du jour auraient compris mais finalement ça fait aussi partie de ce qui s’est passé et ça m’a bien plu de développer cette partie.
Une fois arrivé à Keswick, on apprend que notre belge a fini huitième en 15 heures et on est très impressionné. Pour nous ça aura été 23h30 de partage et d’émotions et je crois qu’aucun d’entre nous n’aurait préféré finir seul en moins de temps, on s’embrasse comme à la fin d’une sortie confrérie, on est heureux…