[CR] Bouilonnante 104k. Chronique d’un DNF

J’avais déjà « fait » la Bouillonnante en 2013 et j’y avais rencontré Manu. Cette année, la distance habituelle était doublée et on était inscrit avec Manu avec l’objectif (très difficile) de finir ensemble. On a besoin de réussir à fonctionner bien ensemble si on veut pouvoir faire ensemble un truc du genre Tor des Géants (et autres épreuves de ma Bucket List), on a aussi besoin de bien  se coordonner pour 2 course importantes pour lesquelles on est inscrit tout les 2 : les 10 Peaks fin juin dans le Lakes District et The Spine en janvier 2016 dans le nord de l’Angleterre, en plein hiver.

Notre historique de courses finies ensemble n’est pas fameux. Manu a fini avec 2 heures de moins le 102 km des templiers, on est parti ensemble au trail des Poilus en 2014, mais il est parti devant et aurait fini en beaucoup moins de temps que moi, finalement la seule course qu’on ai réussi à finir ensemble c’est le dernier trail du Mont Saint Aubert mais Manu n’était pas en forme et comme c’est moi qui ai du l’attendre on a pu finir ensemble, en plus ce n’était qu’un 30 kilomètres et donc cela ne compte pas vraiment. Bon voilà quel était notre objectif principal pour cette Bouillonnante version ultra longue.

Pour le dire vite, cette Bouillonnante fut un Big Fail car d’une part on ne l’a pas vraiment courue ensemble (Manu va 2 fois plus vite que moi dans les descentes et même si j’arrive à aller un peu plus vite que lui dans les montées cela finit assez vite par ce que l’on ne se réunisse plus qu’aux ravitos) et d’autre part on s’est arrêté au premier ravito après seulement 30 kilomètres, à 4 heures du matin. Un DNF (Did Not Finished – n’a pas fini) que je ne m’attribue pas car même si après 4 heures de course j’étais déjà bien « dans le dur » il n’était pas question d’arrêter pour moi. J’étais transi de froid, trempé, claudiquant, en train de faire chuter ma vitesse moyenne mais avec une belle avance sur la barrière horaire et encore 16 heures pour finir le truc, la question d’arrêter m’était parfaitement étrangère.

Seulement donc au bout de 10 kilomètres j’avais déjà cessé de faire illusion et Manu est parti devant. Je l’ai retrouvé au ravito du 30° kilomètre et il m’a dit qu’il était épuisé, qu’il avait sommeil, que son cœur battait trop vite et qu’il pensait qu’il fallait qu’il s’arrête. Pour moi, aucun problème, si Manu doit s’arrêter, je m’arrête aussi car comme on est parti ensemble, il est parfaitement normal que l’on revienne ensemble. On a du dire adieu à Olivier de Loos PEG (Pas En Gohelle) avec qui on avait sympathisé sur les  terrils de Loos EG (En Gohelle) qui courait avec nous depuis le début et on est monté dans la voiture d’un supporter qui rentrait sur Bouillon. Le brave Olivier aura fini en 17h12 et je crois que c’est remarquable.

Donc DNF pour la Bouillonnante 2015 mais c’est pas grave, la vie continue et c’était quand même bien super. En vrac :

  • On s’est vraiment bien entendu avec Manu sur la route de l’arrivée et celle du retour. Cela est confirmé.
  • La Bouillonnante est vraiment une belle course. Le départ à minuit c’est super, pour nous cela implique une bonne journée de travail, 3 heures de bagnole, la récupération du dossard et départ dans la foulée. On espère que ce format sera reconduit l’année prochaine.
  • Au ravito de la décision du DNF je suis passé du mode « participant » au mode « observateur » et c’était super. Pour des raisons qui m’échappent, j’adore le monde de l’Ultra Trail. Les tronches de zombis qui s’affichent là sont vraiment impressionnantes. Écrire cela me donne l’idée d’un sujet d »article qui pourrait développer l’importance des zombies dans la culture populaire et le fait que des gars s’engagent volontairement sur des épreuves « Ultra » qui les transforment plus ou moins et temporairement en zombis.
  • Sur ce ravito on a rencontré une fille extraordinaire, elle a profité du ravito pour s’arrêter et installer une « breast pump » pour se tirer le lait. Elle a sorti le truc d’un tout petit sac à dos et j’ai d’abord cru qu’elle était asthmatique et j’ai trouvé très étonnant qu’elle installe son truc sous son tee shirt.
  • Sa pompe faisait un bruit bizarre que l’on aurait pu confondre avec celui d’une grenouille croassante. Le photographe « officiel » de l’épreuve était lui aussi intrigué et il s’est demandé d’où ce bruit venait. Le fille a répondu naturellement ‘it’s my breast pump’ et j’ai traduit au photographe le truc. J’ai adoré le cocasse de la situation et la réaction tout à fait belge du photographe tout gêné du genre « ah OK elle pompe ses seins oui, oui, d’accord… ».
  • J’ai demandé à la fille si le lait qu’elle récupérait allait encore être bon pour son bébé le lendemain et elle m’a répondu que oui mais que si elle pompait son lait c’était surtout pour son corps qui ne pouvait pas s’arrêter de produire du lait.
  • Manu m’a fait remarquer que la fille courait en sandalettes. Incroyable, c’était la première foi que je voyais des huaraches. J’ai pensé à Jérôme. Pour moi c’est sur que cette fille était américaine.
  • Le photographe a bien aimé mon chapeau et il m’a tiré un portrait en disant qu’il allait en faire l’illustration de sa série de photo « Bouillonnante ».
  • Avant d’abandonner j’ai revu Philippe des Bigorex qui a tracé le Poppy Tour qui était en pleine forme.
  • Sur la deuxième grosse montée je me suis fait doubler par Tchoupy et on a réglé joyeusement quelques comptes (sur le style de mon blog, sur la proportion de bitume sur ma trace au Muziekbos…) et il m’a appris que son running gag « et c’est à la troisième saucisse que j’ai compris que la journée allait être longue… » était en fait lié à mon histoire avec les saucisses de Montbéliard. Je crois qu’il a failli tomber sur le cul quand je lui ai appris que je continuais de creuser la question des Saucisses de Montbéliard (j’en avais encore 3 dans ma besace).
  • Après avoir lu dans  les prévisions météo que la pluie était très probable mais probablement assez faible (1mm en 1 heure) je suis parti en mode « compétiteur » c’est à dire sans aucune veste Gore-tex mais rétrospectivement c’étaient les circonstances idéales pour tester ma Millet Trilogy achetée pour The Spine. Leçon apprise : toujours se préparer au pire.

Après cet arrêt impromptu, on a été gentiment covoituré à Bouillon par un Belge avec sa fille. Un gars de Valencienne nous accompagnait aussi. Les Français sont râleurs et le Valenciennoi trouvait nul de se faire rapatrier par des « particuliers », il aurait préféré une navette de l’organisation. Je trouve ça au contraire génial le système informel, on a pu au contraire rencontrer fugitivement des belges bien sympas.

A Bouillon on a retrouvé la voiture, on s’est changé avec des vêtements propres et sec et on s’en mis en quête du sac que j’avais préparé pour le 50° kilomètre de la course. On était mort, on a fait une sieste d’une heure dans une clairière sur la route et on a retrouvé le ravito avec les sacs. Quelques souvenirs de ce moment magique.

  • Le lieux était super. Une sorte de hangar avec une grosse cheminée au milieu. Des traileurs épuisés dans tout les coins.
  • Je croyais que c’était le ravito de 75° et j’ai été surpris de rencontrer autant de gars déjà là à 7heures du matin. En fait c’était le ravito du 50°, les gars n’étaient qu’à mi course et la perspective s’est inversées. Ces gars avaient déjà l’air d’être épuisés alors qu’ils n’étaient qu’à mi chemin.
  • J’ai revu là Philippe des Bigorex qui courait avec Christophe de Trail Nord. Ils ont été surpris de me voir arriver dans l’autre sens et je leur ai expliqué ce qui nous était arrivé.
  • Un gars à qui je venais de dire « bravo » (car c’est le truc qui me fait le plus plaisir quand je suis moi dans l’épreuve) m’a répondu « bravo à toi pour ton blog » et je suis bien embêté car je n’aime pas du tout que la reconnaissance ne soit pas mutuelle.
  • Dans ce hangar improbable au milieu des bois j’ai eu un échange remarquable avec les bénévoles qui tenaient le ravito. Il y avait là une fille à qui j’ai expliqué que j’étais là pour récupérer mon sac car j’avais abandonné au ravito précédent car mon pote avait lui même abandonné. Elle a été très impressionnée et à appelé une de ses copines pour lui dire en substance ‘tu vois on croyait que ces gars n’étaient que des brutes individualistes mais en voici un qui a abandonné par solidarité avec un pote, c’est rassurant, cela infirme ce dont nous avions l’impression ».

Ce dernier souvenir est peut être un des plus intéressant de la journée. Sommes nous des brutes épaisses ou des êtres humains ? That is the question.

 

4 commentaires


  1. Merci pour le compliment Yann ! Ca fait toujours plaisir…;) Par contre c’était vraiment la mort dans l’âme que j’ai du repartir après le premier ravito, sans vous ! J’espère qu’on se suivra plus longtemps que ça sur la TDS 😉 Mais bon, Manu a eu bien raison, comme je te le disais, la santé avant tout ! Sinon pour le résultat je suis vraiment content pour mon 1er « 100 bornes » mais surtout, c’était un excellent entrainement pour Chamonix cet été. Je sens qu’on va s’amuser…!!!!??? Vivement qu’on y soit car pour moi, pas d’autre grande course de prévue d’ici là. Quelques grosses sorties. A moins que…………
    A + les amis. On se tient au jus…

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  2. Je suis le gars que tu as encouragé au ravito du 50e (et où je t’ai remercié pour ton blog), je comprends maintenant mieux ta tenue « propre » lors de notre bref échange.
    Merci pour tes encouragements, je te confirme que cela fait toujours plaisir !
    Au plaisir de se recroiser lors d’un prochain trail (après le Trail des bosses fait en version 45km pour moi)
    Bonne récup avant la suite de tes trails, il semblerait que tu aies facilement tourné la page de celui-ci.

    Pierre en mode « récup » jusque fin mai avant de planifier la suite de l’année

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  3. Même si cette fois-ci ça ne va pas au bout, bravo pour tes performances et tes CR !

    J’admire (et même j’envie…) la régularité avec laquelle tu parviens à enchaîner les longues distances !

    Sportivement

    Nico G.

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