Le départ est catastrophique. Au lieu de passer une bonne soirée avec un vieil ami à Bruxelles voilà que je pars à 13h30 de Lille avec la forte impression que le truc va foirer.
Plein de bonnes raisons pour ne pas la faire :
- 160 kilomètres par les petits chemins c’est beaucoup de kilomètres.
- Je ne suis pas sur de pouvoir réaliser ce bazar sans aucune motivation compétitive.
- Normalement 160 kilomètres en compétition sur du plat ça se coure en moins de 24 heures. Donc là je n’aurais pas beaucoup de temps libre et au lieu d’une longue rando course tranquille je vais devoir me concentrer sur ma moyenne horaires et « ne rien lâcher « .
- Ce qui est spécialement con dans cette tentative là est que je n’aurais pas le temps de rencontrer des Belges et de passer le plus de temps possible avec eux.
- Un autre truc qui m’ennuie est que je ne vais pas avoir le temps pour me poser pour bloguer.
- Lors des funérailles de ma grand mère, la veille, ma sœur m’a dit que personne ne le saurais si je ne faisais pas ce dont j’avais parlé à mes cousins. Pour moi c’est une très mauvaise raison d’abandonner qu’elle me donnait là. J’aime bien annoncer à l’avance ce que je vais faire. Ça me motive pour ne rien lâcher et à aller jusqu’au bout.
Pourquoi je la tente quand même alors qu’il serait si facile de reporter ?
- Parce que c’est un genre de micro aventure et que les micros aventures c’est cool. L’idée est de s’échapper de son quotidien tout en revenant le lundi suivant à son boulot. J’aime beaucoup ce geste de folie passagère et légère.
- Parce que j’ai annoncé que j’allais le faire alors il faut que je m’y colle.
- Parce que 160 kilomètres c’est 100 miles et 100 miles c’est une unité de compte sympa.
- Parce que c’est juste débile et inutile. absurde dirait même Sylvain tesson dans cette belle vidéo sur le Mont Blanc que m’a fait découvrir Ben.*
- Parce que ma grand mère est morte et c’est une manière de marquer le coup.
- Parce que ça va être très très dur de conserver de la motivation pour ne pas prendre le premier train du coin pour stopper ce calvaire.
- Parce que chaque bistro belge que je vais voir, surtout au début de la nuit, sera un appel à une bonne bière au chaud. Je serai comme Ulysse qui passe près des sirènes sans avoir ni bouchons dans les oreilles ni être lié au mât.
- Parce que peut être que ça va m’endurcir pour mon prochain objectif, The Spine.
- Parce que ça pourrait faire un bon sujet de compte rendu pour ce blog et comme j’ai appris récemment que j’avais des lecteurs j’espère que ça va être marrant, voir atmosphérique.
Compte rendu.
Je vais à Lille prendre le train pour Bruxelles et je me retrouve avec une heure à tuer.
Je commence par entrer dans Euralille pour y trouver des chiottes. C’est trop génial. J’ai l’impression que ça fait mille ans que je ne suis pas passé dans ce genre d’endroit et je me rend vite compte que c’est, en soit, une étape de mon voyage.
Quelques réflexions sur cette étape lilloise
- La société de consommation donne le sourire aux gens. C’est surprenant.
- On dirait que certains se fondent dans cette société. Ils s’y diluent. Où bien est-ce elle qui les dilue comme des acides qui diluent le carbone de la matière organique ? Pensée glaçantes mais observations apaisantes.
- J’ai, à 50 ans, autant de plaisir à me promener en traileur équipé full Spine dans un gros centre commercial qu’à me balader à 20 ans avec un look post punk
- C’est quoi un couple ? C’est des gens qui se promènent bras dessus, bras dessous dans Euralille ? Ce sont des oiseaux, des tourtereaux par exemple, qui n’ont d’yeux que l’un pour l’autre ? Les spectres d’Euralille sont-ils des couples.? Résolument non, à moi il faut autre chose que des balades dans les temples de la consommation pour occuper ma vie.
- Vacuum, comment faire d’une vie très longue, toute envahie par le quotidien, quelque chose qui vaille le coup d’être vécue ?
- Eurostar. 30 minutes de train vs plus de 24 heures de marche à pied. Incredible non ?
Bruxelles
- Manneken pis
- Palais de justice et échafaudage tout un poème qui dure depuis des dizaines d’années. Fascinant.
- Statues africaines. Le magasin vaut le détour. Adapté à la confrérie ? Je suis passé dans la rue en qustion mais je n’ai pas reconnu cet extraordinaire boutique emplie de fétiches africaine admirables.
- Saint Gilles. Une bière au Verschueren. Délicieuse. J’espère y retrouver mes amis bruxellois mais ils n’y sont pas. Dommage. Je dois continuer.
5km en 1 heure, je ne suis pas rendu. - Dingue et débile. Parfait pour moi. Ça va être dur.
- Joli château de Beersele.
18h40
Je fais une halte dans une friterie pour me restaurer. On parle flamand dans le coin. Les frites ne sont pas bonnes. Même la Belgique perd ses particularismes. C’est triste
Avec ma vitesse moyenne de 5 kilomètres par heure il me faudra 32 heures pour arriver à Roubaix. C’est trop. Je décide de continuer jusque demain midi et de voir alors où je vais être. Peut être que je finirai l’aventure en train.
Pendant la nuit je ne prends pas de notes. Voici quelques souvenirs.
Le GR tricote pas mal. Parfois ça nous fait passer près d’un vieux château fort, parfois c’est pour traverser un joli petit bois mais le plus souvent on a l’impression que ces détours ne riment à rien.
Souvent aussi on voit des départs de voyettes mais en général on ne les prends pas. C’est frustrant.
Au tout début je courais un petit peu mais assez vite je suis passé en mode Spine. Le mode Spine ressemble un peu à la marche nordique.
Après mes frittes accompagnées d’un cervelas frit j’ai longtemps eu la nausée. J’aurai peut être du vomir pour régler ce problème. Je note à l’occasion qu’il serait préférable d’éviter ce genre de menu pendant The Spine.
Dans une forêt j’entends un bruit de sono. Soit il y a des gars en Renault 5 qui boivent des bières dans une clairière soit je vais tomber sur une rave partie. Ça m’aurait bien plu de voir si c’est acceptable de danser en transe en déguisement de spiner. Malheureusement je ne découvre pas l’origine du beat cardiaque et je poursuis dans la nuit.
Beaucoup moins de bistrots dans cette campagne flamande que dans le pays blanc. Vers 11h du soir je passe devant un bistro assez chic. Sur le parking plein de grosses voitures noires. Dans la salle une grande table haute avec une dizaine d’hommes en train de boire des bières. Je me dit que je ne vais rien comprendre à ce qu’ils disent et je ne m’arrête pas.
J’ai dormi presque une heure sur le confortable paillasson d’une grosse église. C’est bizarre, je me suis couché tel quel, en short et avec ma capote Goretex et je n’ai pas eu froid. La cloche de cette église flamande marque les demi heures et les 12 coups de minuit seront ce qui m’aura finalement le plus gêné.
Je repars tranquillement. À 5 kilomètres par heure on n’avance pas bien vite. Ça fait le marathon en 8h. Au Spine ça va être très très dur de faire presque 70 kilomètres par jour.
J’ai vite de nouveau envie de dormir et je fais encore 3 siestes de durées inconnues. La première sous un châtaignier, le sol est très sec, je me pique un peu avec les bogues et j’ai peur de m’être endormi dans un nid de tiques. Heureusement il n’en est rien et c’est vraiment agréable de dormir à même le sol. C’est pas compliqué, il faut juste oser s’allonger. C’était la première fois que je dormais dans ces conditions alors que ça fait 50 ans que je me demande comment pouvaient bien faire les hommes préhistoriques.
Mon troisième somme je l’ai pris sur un banc relativement abrité du vent auprès d’une jolie chapelle en briques peintes en blanc. L’avantage du banc est que ça isole du sol. Le vent souffle très fort en bourrasques et il pleut. J’ai enfilé mon pantalon Goretex pour la circonstance et encore une fois je n’ai pas froid. Je me sens dans la peau d’un pèlerin du moyen âge. Je me dis quand même que leurs vêtements devaient être moins adaptés que les trucs hyper chauds et hyper légers du XXI ème siècle. En même temps ma première couche est en laine de mérinos alors peut être qu’il n’y a pas eu tant de progrès que ça ?
Et il y aura encore un quatrième assoupissement. Cette fois ci je me dis qu’avec tout ces trucs étanches que j’ai sur le dos je peux me coucher directement sur n’importe quel talus du moment qu’il y a de l’herbe verte et pas trop d’orties. Il pleut, il vente, l’herbe est trempée mais qu’est ce que je dors bien. Pas très longtemps je crois mais c’est bizarre que je ne me sois pas plus refroidi que ça. Ce n’est jamais le froid qui m’a réveillé, en tout cas je ne me suis jamais réveillé tout transi. Pour The Spine c’est pas sûr du tout que ça se passe aussi bien les micro siestes impromptues.
La progression nocturne et solitaire est extrêmement propice à la méditation. Les funérailles de Granny, ma grand mère, m’auront permis de passer plus d’une dizaine d’heures en tête à tête avec Agnès, ma soeur et ça m’a nourri de mille sujets de réflexions sur notre famille et surtout sur mon avenir. J’ai pris pleins de résolutions suite à ces réflexions. C’est dingue.
Au petit matin il pleut et c’est dommage pour les photos. Du coup je n’en prend pas alors que j’adore les photos prises à l’aube.
Souvent je me dis que vu ma fatigue, mes besoins de sommeil et ma faible vitesse sur un terrain facile ça va être très très dur pendant The Spine, que je le finisse ou pas.
Il y a sans doute une très grande différence entre un truc fait en compétition et un edntrainement sans enjeux. Je ne me sens pas compétiteur pourtant mais je sais que pour The Spine j’aurais plus d’énergie. C’est inexplicable et donc sûrement à creuser.
L’état de fatigue mentale que j’ai atteint en moins de 24 heures d’efforts est très intéressant. J’ai été juste au bord d’avoir des hallucinations au petit jour. J’avais l’impression que j’étais dans le même état qu’après 55 heures de Spine Challenger. C’est pas rassurant du tout mais au moins c’est un bon entraînement.
J’ai assez mal dans un muscle ou un tendon qui passe au milieu de la fesse droite. C’est intéressant, les muscles sollicités par la marche ne sont pas exactement les mêmes que ceux qui servent à courir ? En tout cas pour la prépa The Spine il va falloir que je recase ce genre de sortie.
Dans un village à quelques kilomètres de Grammont je découvre que la spécialité du coin est la tarte au maton. J’apprends par la même occasion que dans la tarte au maton il y a du maton.
Je traverse Grammont à la recherche de la gare. La Duvel a l’air d’être la bière du coin. Je ne m’arrête pas même si la Duvel triple hop Citra est un nectar que j’adore. Je ne veux pas risquer de rater un train pour une bière.
Le gars du guichet de la gare de Grammont me dit que normalement il a interdiction de parler français. Il est quand même gentil avec moi. Il y 2 changements de train avant d’atteindre Lille mais les correspondances sont rapides.
Dans le train je partage brièvement la compagnie d’un couple dans la cinquantaine qui revient de voyage. Ils font des calculs pour atteindre à moindre prix ce qui pourrait être leur résidence secondaire. C’est dingue le temps qu’ils passent sur le sujet. Dans la gare de Mouscron il y a des scouts sur le quai. La femme plaint leur culotte courte et dit qu’elle aurait détesté être scout.
Qu’est ce que je pue à l’arrivée. Une infection. Je pense à Guillaume Erner qui a fait une chronique cette semaine sur le fait qu’après 3 jours sans se laver il se passe quelque chose. Un nouvel équilibre apparaît. Intéressant mais ça ne me tente pas d’expérimenter sur cette voie.
Conclusion
C’était vraiment super cette micro aventure. Je suis parti seul parce que j’avais vraiment besoin de m’approprier des bons réflexes avec mon GPS. Cette aventure solitaire m’a bien plus et permis de réfléchir beaucoup. La prochaine fois j’essaierai de partager l’aventure mais je sais que seul ça me va aussi.
Donc avant The Spine je vais refaire au moins une fois une nuit dehors. Ce serait bien qu’il pleuve plus ou qu’il fasse très froid. Je crois que un scénario sympa pour la prochaine micro aventure serait un dîner chez mon pote Bernard et un départ dans la nuit sans passer par la case lit. Arrêt le dimanche matin dans la gare du moment. Peut-être Renaix ?
Annexes
- La Skilhunt h03 s’arrête sans crier gare. C’est pas trop cool comme fonctionnement. Heureusement j’ai aussi embarqué mon Armytek Wizard.
- En mode navigation ces 2 lampes « pur flood » ne sont pas super pratique. Elles n’ont vraiment aucune portée et souvent quand on cherche son chemin on voudrait voir plus loin. Je me demande si la Stoots Hekla ne serait pas préférable dans cette situation ? Sinon, pour ceux que ça intéresse, j’ai aussi écrit un article qui pourrait être intéressant : Skilhunt H03 vs Armytek Wizard.
- Il faut que je remonte le OMM trio Map Pouch. J’ai la taille toute écorchée avec mon système de fixation des sandow du bas de la pochette. Rien que cette découverte rentabilise la sortie si on pense au Spine.
- Ma veste GTX Trilogy n’est plus étanche ? Il pleut beaucoup et à un moment j’ai l’impression que ma veste Gore-Tex est transpercée. C’est inquiétant. Il faudra que je la réimperméabilise avant The Spine.
- Avec le GPS, il faut checker très régulièrement. Ce n’est pas du temps perdu.
- La bretelle gauche du Raidlight a tendance à partir un peu vers la gauche.
- J’avais des gants Lafuma en Gore-Tex mais j’en ai perdu un lors de mon retour en train : ne pas utiliser les poches de la veste pour ranger les gants, trouver un système de clips sur l’avant du sac.
- Je me suis dit que ça pouvait être une bonne idée de tester les Brooks Pure Grit sur une ultra randonnée. Résultats mitigés, pas d’adhérence dans la gadoue et sur les pavés mouillés, pas facile à serrer juste ce qu’il faut, j’ai toujours tendance à trop serrer. Pas très confortable à la longue, mon petit orteil droit frotte de manière très désagréable. Par contre aucun problème de tendon à signaler quelques jours après l’épreuve et sensation agréable d’être encouragé à prendre appui sur l’avant du pied. j’aime bien ces pompes.
- Mon pantalon Gore-Tex Eider Kpant n’est pas génial. Il n’est pas si pratique que ça pour pisser, le scratch de la ceinture est compliqué à remettre.
Permaliens
Alors, suite à notre discussion, même si j’ai marché à 5kmh il y’a 2 jours, je crois que je t’aurais gêné quand même
En tout cas bravo
Ta cousine parisienne
Permaliens
J’ai pensé à toi aussi. 5km/h pendant 23h c’est très dur à tenir. Par contre c’est vraiment génil de dormir au milieu de nulle part
Permaliens
Tout il est bien qui finit bien…
Peut être bosser la lutte contre le sommeil !?
Tu racontes cool, c’est agréable et donne envie !
Bravo
Permaliens
Merci André pour ce commentaire. Pour le sommeil je crois que c’est extrêmement difficile d’apprendre à s’en passer et d’ailleurs quand on prépara un truc important on sait qu’il faut bien dormir les semaine qui précède pour stocker le plus de fraîcheur possible. Pa contre c’est génial de s’entraîner à dormir quand on en a besoin.