Je suis presque sur que vous vous demandez de quoi il peut bien s’agir cette histoire de digitigrade.
Et bien en fait c’est très simple, l’homme (comme l’ours entre autre animaux) fait partie de la famille des plantigrades, c’est à dire qu’il pose le talon au sol lorsqu’il marche (et aussi généralement lorsqu’il coure). Un digitigrade, par contre, c’est un animal qui pose ses doigt au sol lorsqu’il marche ou coure. Le chat est un bon exemple de digitigrade (ce qui pourrait apparaitre comme son coude est en fait son talon).
Le principal intérêt de la locomotion digitigrade c’est que les chocs des appuis sont amortis par tout un ensemble d’articulations (voute plantaire, cheville, genou, hanche) alors qu’en mode plantigrade on a intérêt à avoir des chaussures avec un très bon amorti pour encaisser les chocs de chaque foulée.
Dans la méthode POSE, on encourage une réception sur le milieu du pied (midfoot) en évitant de se réceptionner tant sur l’avant du pied (frontfoot) que sur le talon (heel). En mode POSE, le talon touche (ou effleure) le sol à chaque foulée. J’ai l’impression que ce n’est pas optimum, mais c’est peut être plus reposant à la longue (à voir). Je me demande si les gars qui courent pied nu posent le talon au sol ?
Par ailleurs, Cunningham et al ont montré en 2010 que la marche plantigrade était beaucoup plus économique que la marche digitigrade mais cela ne remet pas en question le fait que pour la course, la posture digitigrade est peut-être plus adaptée.
Donc alors que j’emmenais Siobhan pour une petite sortie de découverte du merveilleux canal de Roubaix, comme notre rythme était très tranquille, pour corser un peu la balade, je me suis dit que j’allais essayer de courir sans poser le talon au sol.
Contrairement à ce à quoi je m’attendais, il m’a été assez facile de courir tranquillement 14 kilomètres sans presque jamais poser le talon par terre. Une fois que l’on s’y met c’est même assez facile de conserver l’habitude, sans avoir à se concentrer sur sa foulée et sur ses appuis. Par contre lorsque l’on passe d’une foulée de plantigrade (ma foulée habituelle) à celle du digitigrade, il y a un effort réel à faire et ce passage n’est pas du tout naturel.
J’ai utilisé mes Skechers Go Run pour cet exercice (et elles sont très agréable dans cette utilisation) mais je crois que l’expérience peut-être tentée avec bien d’autres sortes de chaussures de running (voir même des sandales, pied nu ou avec des chaussures de ville puisqu’on ne se sert pas de l’amorti de la semelle pour les appuis sur le sol).
La sensation de « voler » est très agréable et on peut jouer sur l’amplitude et surtout sur la cadence lorsque l’on veut accélérer, en risquant beaucoup moins de se blesser qu’en mode plantigrade.
Je ne sais pas si tout le monde peut se lancer de but en blanc ce genre de petit défi. J’ai commencé un début de transition minimaliste il y a environ un an (avec la méthode POSE entre autre) et mes muscles était sans doute déjà un peu préparés à cet effort particulier. Un autre truc facile à faire et d’essayer de marcher le plus possible sur la point des pieds dans la journée (le matin et le soir, à pied nu en particulier).
Dans l’après midi j’ai eu des grosses courbatures dans les mollet mais aucune inflammation des tendons (tiens j’ai beaucoup moins de douleurs dans les tendons depuis que je me suis mis au régime paléo). Ces courbatures dans les mollets m’ont fait très plaisir. Elles signifient bien que le mollet contribue fortement à notre capacité physiologique de jouer au digitigrade. Le mollet est d’ailleurs un ensemble de muscles humains très développé et c’est (entre autre) ce qui nous distingue des singes et des Australopithèques qui sont eux des animaux qui ne peuvent pas courir. Certains en on même déduit que c’est cette capacité à la course qui a fait que l’homo sapiens a finalement mieux réussi que l’homme de Néanderthal.
Le lendemain midi j’avais encore un peu mal dans les mollets et je suis ressorti quand même pour quelques tours dans la montagne de Wervicq. Mal m’en a pris puisque maintenant, mes mollets sont durs comme du bois, comme si j’avais couru un Marathon à fond la veille. Ça va m’obliger à me calmer jusqu’à mon objectif de dimanche prochain : l’Ultra Tour de Liège (67km – 1.795m de D+).
En tout cas je remercie Siobhan pour m’avoir permis de faire toutes ces découvertes et vous pouvez aller lire son propre compte rendu qui insiste beaucoup plus sur les conditions météorologiques déplorables de cette petite sortie
Références :
The influence of foot posture on the cost of transport in humans by C. B. Cunningham , N. Schilling, C. Anders and D. R. Carrier – The Journal of Experimental Biology 213, 790-797
© 2010.
Permaliens
Bonjour, je découvre vos billets sur le minimalisme. Je vois qu’ils datent de 2013 et je me demande où vous en êtes de votre démarche vers une foulée plus médio-pied. Quand on cherche à courir sur l’avant-pied (ou le médio-pied c’est la même chose), il ne faut pas se préoccuper de ne pas poser son talon au sol. A vouloir trop mettre l’accent sur le talon et donc indirectement sur les mollets, vous risquez à la fois de dégrader votre biomécanique de course et de demander un énorme travail à vos mollets au détriment d’autres muscles beaucoup plus propulseurs (fessiers notamment). L’immense intérêt de la foulée médio-pied est de tirer avantage de l’énergie élastique que l’on peut emmagasiner sans beaucoup d’effort à chaque foulée sous le pied et dans le mollet. Ces parties du corps jouent donc un simple rôle de ressort. La propulsion va venir des muscles situés au dessus du genou (ischios, fessiers et aussi de tout le tronc de l’athlète). Pose Méthode ne prend pas tellement en considération cela en ignorant dans une grande mesure le rôle du bassin et du tronc dans la foulée. C’est bien dommage. Je serais ravi d’échanger avec vous sur ce sujet. J’ai écrit un livre « Courir Léger – Light Feet Running » qui explique justement toute cette biomécanique de la foulée médio-pied. Bonne continuation ! S. Séhel http://www.lightfeetrunning.com