Fort de mon expérience récentes de randonnée longue distance entre Brussel et Roubaix j’ai pensé que c’était à refaire avec Manu dans le cadre de notre préparation pour The Spine. Notre objectif est d’aller le plus loin possible dans la limite du dimanche matin pour avoir quand même un temps pour récupérer avant le boulot lundi matin.
La soirée à démarré par un dîner chez mon ami Bernard de Brussel. On n’a pas vu le temps passer, Jeanne nous a fait des propositions terribles mais quand même, mise en route à 2 heures du matin avec pour objectif de parcourir en mode Spine la distance entre Brussel et Roubaix avant dimanche midi au plus tard.
Le mode Spine c’est on marche dès que ça monte et on trottine le plus économiquement possible quand c’est plat ou que ça descend. Pour ceux qui en douteraient encore les 268 miles de la Spine race sont classés dans les événements de course à pied mais en fait il s’agit majoritairement de randonnée. Comme on est plutôt des coureurs avec Manu c’est assez malin de se taper des bornes en rando et là on en a bien eu plein les bottes.
J’avais déjà fait à peu près le même parcours, seul, il y a quelques semaines et je m’étais bien régalé sauf que souvent le GR faisait des boucles inutiles et pas forcément « intéressantes ». Cette foi ci avec Manu on a fait plein de coupes dans la trace d’origine et on a du coup gagné presque 30 kilomètres sur le parcours entre Bruxelles et Grammont. Ce gain est à confirmer (problème d’enregistrement de ma Suunto Ambit ?) mais comme par la route Brussel Roubaix c’est normalement 120 kilomètres il n’y a pas de raison qu ça se transforme en 160 kilomètres si on passe par les chemins. Avant de refaire une tentative sur cette liaison pédestre je vais retravailler la trace et peut-être aussi la première boucle par Uccle à la sortie de Bruxelles.
La randonnée la nuit ça nous plaît à tous les 2. Je bénie le dieu des traileurs qui m’a fait rencontrer Manu. Je considère ma pratique du trail comme très particulière et c’est quand même incroyable de tomber sur un gars à qui cela ne pose aucun problème et qui est parfaitement en phase. Au petit matin de la première nuit Manu a proposé un bivouac, ça caillait, j’ai enfilé ma Primaloft Atomic, et revêtu mon froc Goretex et je me suis couché, sans matelas,sur le sol recouvert de briques du parvis d’une église. Manu avait le petit matelas du sac OMM Classic et on a bien dormi. C’est le réveil de Manu qui nous a réveillé après 40 minutes de profond sommeil, peut-être que nous aurions dormi 2 heures sans ce réveil ? On n’a pas si froid que ça et je me demande jusqu’à quel niveau de froid l’être humain peut s’adapter. Le plus génial pour ça est la conclusion de Manu : « je suis content d’avoir appris à dormir par terre avec des couches supplémentaires ». Une conclusion pareille ça ne s’invente pas, c’est pour moi la preuve ultime de notre complicité. Dingue.
Peut après le lever du soleil on fait un petit détour pour trouver un bistro où pendre un café dans un village, on ne trouve pas le bistro mais on tombe sur un traiteur dans le village. On se fait le meilleur ravito qui soit avec une salade de cabillaud, 3 saucisses fumés et une tarte au maton pour moi et une pomme et un sandwich au jambon d’Ardenne pour Manu. On continue le ventre bien plein et on trouve même un salon de thé pour notre petit café du matin.
Peut avant midi Manu a envie d’une bière, voir de 2 bières, et ça tombe bien, ma carte sur Locus indique qu’il y a un bar dans le prochain village. Le bar est extraordinaire, c’est un petit lieux, depuis la rue on voit des cendriers pleins de mégot et du tabac à rouler sur une table près de la fenêtre. On cherche des yeux un lieu plus classe mais il n’y en a pas alors Manu pousse la porte. 6 paires d’yeux nous dévisagent Il y a 2 femmes accoudés au comptoir devant 3 bouteilles chacune de Jupiler, il y a 2 gars qui joue au billard, un vieux attablé près de la fenêtre qui se roule ses clops et le patron la clop au bec. Manu propose de s’installer au bar, entre les 2 femmes, seul j’aurais sans doute préféré une table sur le coté mais c’est une bonne idée. Il essaie de commander 2 bières en Flamand et elles arrivent assez vite. Je pose un billet de 5 euros sur le comptoir. Le climat est lourd dans le lieu, la femme du bout du bar me fait peur, elle est probablement dans sa quarantaine mais fait aussi plus vieux, a une peau soignée, des yeux maquillés, un corps fin mais des mauvaises dents. Elle sourie en nous regardant dans les yeux, elle rigole et parle en flamand, on n’y comprend rien, je me demande si on n’est pas tombé dans un bar plus ou moins montant. Ça pue la cigarette, le tabac froid, la fumée chaude, c’est dingue comme on s’est vite habitué à ne plus subir le tabac des autres dans les lieux collectifs. On discute avec Manu, on fait le point, grosso modo on a fait 50 kilomètres en 10 heures. Une main arthritique, affublée d’ongles longs et noirs, enserre mon billet de 5 euros. Je me dis que le patron, avec sa peau livide, n’en a plus pour longtemps. J’ai l’impression qu’on est à Insmouth, on est arrivé dans un lieu monstrueux et on n’y comprend rien comme le personnage de Lovecraft au début de la nouvelle. On se demande si on va arriver à atteindre Roubaix, Manu est content d’avoir dormi par terre. L’autre femme accoudée au bar a une longue phrase en flamand tatouée sur l’avant bras. Je me demande ce qu’elle signifie. Cette femme, plus jeune que l’autre n’a pas un visage désagréable, que fait-elle là ? Quel intérêt peut-elle trouver dans ce lieu et dans cette compagnie apocalyptique ? C’est vraiment mystérieux. Tout d’un coup le patron, jusque là aussi expressif qu’un personnages poisson d’Insmouth, nous pose une question. On ne comprend pas tout de suite que c’est à nous qu’il s’adresse. Son français est probablement meilleur que son élocution. On n’a pas compris la question mais quand on a compris qu’il s’agissait d’une question on explique qu’on vient de Bruxelles et qu’on a le projet d’aller jusque Roubaix. Le patron du bar ne nous répond pas mais on dirait que le fait qu’il ait engagé la conversation nous donne de la légitimité dans le lieu et le femme la plus jeune nous déclare que 50 kilomètres en 10 heures c’est bien. Nous entamons alors une petite conversation avec cette femme. Je ne me souviens malheureusement plus très bien des éléments de cette discussion. De temps en temps elle traduit en flamand pour l’autre cliente du bar. Nos bières finies on décampe. En partant, un des joueur de billard dit quelque chose en français, ils sont tatoués, leurs vêtements sombres sont tachés de tâches claires, l’un des 2 a sa ceinture mal refermée. Le gars près de la fenêtre ne relève pas la tête. Nous quittons cet endroit extraordinaire. Je regrette maintenant de ne pas avoir enregistré plus de sensations.
En arrivant vers Grammont, la capitale de la Duvel, nous rêvons d’une Duvel triple Hop Citra, et nous envisageons de faire le point sur la suite à donner à notre expédition, faut-il attaquer la deuxième nuit ? Manu est parti avec un sac à dos de randonnée qui lui fait mal au dos. J’ai très mal aux pieds, plein d’ampoules. On se dit que si on ajoute une deuxième nuit ça va nous coûter cher en temps de récupération. En fait on commence à nous préparer nous même à prendre la bonne décision du jour.
Arrivé à Grammont on passe près du panneau « mur de Grammont » et je pense à Ben pour qui c’est un sacrilège de passer à Grammont sans aller voir ce haut lieu du tour de Flandre en vélo. On n’a pas que ça à faire, il nous faut notre Citra, on taille la route vers la grand place. Là on repère un bar qui nous fera oublier le précédent. Il s’agit du Gidon (note pour Ben : pas mal, le meilleur bar pour cycliste de la place ? Gidon c’est la traduction de guidon en flamand ?), ils ont la Duvel Citra, et on s’en boit une en terrasse, au soleil, tout près d’une belle fontaine en pierre bleu avec des sculptures de diables superbes. Je me suis adressé au patron en anglais pour commander les Duvels et aussi ménager la susceptibilité de flamingants que j’imagine féroces. Je ne sais pas si c’est ça mais le patron du Gidon nous a très bien accueilli, il s’est intéressé à notre projet, l’a trouvé génial et nous a même apporté des barres énergétiques (des barres délicieuses, au citron, Belges, des Concap Lemon) qu’il réserve habituellement aux cyclistes. Pendant ce temps là Manu étudie ls horaires de train, il est environ 15h et si nous tentons d’atteindre Renaix, la ville suivante sur la trace, on y arrivera après le dernier train nous permettant de retourner sur Lille et comme nous n’avons, ni l’un ni l’autre, vraiment envie d’une deuxième nuit blanche nous décidons d’en rester là.
Choses apprises
Outre la possibilité d’avoir des choses à raconter cette sortie nous aura permis de faire des tests de matériel pour notre grande course de cet hiver.
- Pour Manu, le sac à dos de randonnée qu’il envisageait de prendre est une catastrophe. Mal au dos, mal aux hanches, ce sac sera sur le bon coin dès demain et il partira avec son OMM Classic pour The Spine.
- Pour moi c’est monstrueux ce qui est arrivé à mes pieds. J’étais parti avec des chaussettes Icebreaker Hike Basic heaavy cushion Crew en mérinos dans mes Cascadia 12. Je me suis retrouvé avec des ampoules extrêmement douloureuses sur chacun de mes gros orteils. C’est un truc à creuser. C’est même mortel pour The Spine. Avoir les pieds ruinés après 60 kilomètres c’est l’abandon assuré. WTF. Il faut que je trouve une parade. Des chaussettes Injiji qui entourent chacun des orteils ? J’en ai, à tester, mais bon dieux, tester des trucs à moins de 2 mois du départ c’est suicidaire.
- Je suis super content d’avoir utilisé Locus sur mon tout nouveau Huawei Mate 10 Pro pour organiser les coupes. Mon Etrex reste fixé sur la vision 90 mètres c’est bien pour checker si on est sur la trace mais quand on est perdu c’est la catastrophe pour s’y retrouver. Dans ce cas, rien ne vaut une belle carte précise sur un smartphone et comme le Huawei est étanche c’est le compagnon idéal de l’Etrex en cas de coup dur.
- Mon nouveau sac à dos Raidligth Ultra raid 30 est vraiment bien pour ce genre d’épreuve. J’ai bricolé pour y adapter le sac ventral OMM trio Map Pouch et ça marche bien. Facile à enlever, facile à remettre, bouteilles sur les bretelles… Peut-être qu’il faudrait que je revoie la longueurs des bretelles, il se pourrait que je doive resserrer un peu l’ensemble. Je ferai de nouveaux tests lors de la confrérie de décembre si j’y pense encore.
- On a été frigorifié à un certain moment lors de notre ballade. C’est très inquiétant car il n’a pas fait si froid que ça. Ça m’a rappelé que javais eu froid en plein mois de Juillet lors des 12 travaux d’Hercule. Pour The Spine je ne lésinerais pas sur les couches chaudes dans le sac.
- On ne s’est, ni l’un ni l’autre servis de nos bâtons lors de cette expérience et nous le regrettons tout les 2. D’une part on se serait plus entraîné en mode Spine et d’autre part cela aurait peut être amélioré notre état physique à Grammont.
- Pour l’alimentation je me suis absolument régalé avec 3 saucisses sèches pas si sèches trouvées dans une petite boucherie belge. Ça vaudrait le coup d’aller explorer les traiteurs, bouchers, charcutiers de mon coin pour trouver un fournisseur fondamental pour une expédition polaire (n’oubliez pas The Paleo Diet, le bouquin de Cordain, ça démarre sur la banquise ou les gars se gardaient la graisse et donnaient la viande rouge aux chiens). Est-ce que les graisses animales sont plus facile à digérer que les graisses végétales, ça pourrait valoir le coup de faire des expérience ultra à l’huile d’olive vs ultra à la saucisse de Montbéliard…
- Au niveau lampe frontale, comme je n’ai pas encore reçu la Stoots Hekla que j’ai commandé alors je suis parti avec ma Skilhunt H03 tandis que Manu était avec son Armytek Wizard. La Skilhunt est toujours aussi tremblotante mais Manu a trouvé que sa lumière blanche était plus agréable que la lumière jaune de son Armytek.