Rencontres du Spine Challenger

J’ai commencé à écrire cet article juste après l’arrivée de The Spine Challenger en Janvier 2018 mais je ne sais pas trop pourquoi je ne l’avais pas publié. Il s’agit donc de rendre hommage à tous les gars et filles que j’ai rencontré sur ma course extraordinaire.

A tout seigneur tout honneur et pour toutes les rencontres faites pendant cette aventure que furent pour moi les 108 miles du The Spine Challenger 2017 la principale rencontre de l’expédition fut de beaucoup celle de Manu.

Manu

Parler de rencontre pour parler de Manu c’est un peu bizarre car notre première rencontre date de déjà pas mal d’années, c’était en 2013 lors de mon premier grand trail, les 54 kilomètres de la Bouillonnante. Ce jour là on s’est capté pour nos facultés à digresser passionnément sur toute sortes de sujets. Ce plaisir de la discussion nous a entraîné à partager plein d’entraînements (les terrils de Loos en Gohelle un peu et le Mont Saint Aubert surtout) et aussi pas mal de courses lointaines (102 kilomètres des templiers, 10 Peaks The Lake et The Spine 2016…). 2017 était une année particulière pour nous, nous avons tous les 2 changé de vie et de compagne très récemment et avons bien profité tous les 2 de ce voyage, tant avant le départ de la course qu’après l’arrivée pour échanger sur nos situations, nos difficultés et nos projets. Pour moi c’est génial d’avoir un vrai pote avec lequel je peut tout partager. Nous sommes très différents, lui cherche à tout contrôler et moi je cherche l’abandon et le lâcher prise mais ces jours là il s’est passé quelque chose de magique. J’ai fini 10 heures après Manu mais nous avons partagé jusqu’au bout une épreuve initiatique pour moi. Il était là pour me filmer délirant à quelques centaines de mètres de l’arrivée et quand j’ai longuement pleuré après en avoir fini. Il a aussi été vraiment génial en nous réservant une chambre dans le pub en face de l’arrivée et en retardant d’un jour son retour sur le continent. Tout ces moments passés ensemble valent de l’or. J’ai eu 50 ans 3 jours après l’arrivée et il était encore là pour ma fête d’anniversaire.

Après l’arrivée il m’a laissé prendre une douche et une toute petite sieste mais quand même, on n’allais quand même pas réussir un truc  pareil sans prendre le temps de le fêter et donc nous avons passé une super soirée dans un pub avec un bon plat dont je ne me souviens plus et un whisky tourbé au coin du feu. A la fin je suis reparti avec un sac de glace pillée pour essayer de calmer un terrible œdème qui envahissait mes pieds et mes jambes.

Manu avait déjà réussi à finir le Challenger en 2016 et aurait du s’aligner sur le complet en 2017 mais a choisi de refaire le challenger en 2017 juste pour m’accompagner. Pour 2018 je crois que ça aurait été préférable pour moi de remettre un Challenger au programme pour asseoir ma compréhension de ce qu’est cette épreuve mais 3 Challengers pour Manu ce serait bien ridicule et dons ça me parait évident de tenter avec lui la grande épreuve (428 kilomètres – 7 jours) en 2018. Je me dis que je voudrais bien aller voir comment ça se passe après Hawes, l’arrivée du Challenger et en espérant que ma réussite en 2017 et aussi le prochain UTMB vont me donner plus de capacités pour envisager une arrivée à Kirk Yeltholm. Lui y arrivera sûrement, deuxième français après Thierry Corbarieux à compléter l’intégralité de l’épreuve, et moi je serais bien content si j’abandonne plus loin que Hawes le point d’arrivée des challengers. Il faut expliquer ici que Manu a déjà fini plein de 100 miles alors que moi ce Spine Challenger était mon premier.

Bon assez pour Manu, l’autre gars qui m’a impressionné profondément pendant cette expérience aura été Mike.

Mike.

Mike m’a rencontré au Pen-Y-Ghent café à Horton. J’étais complètement défoncé (pour les anglais les mots que j’ai entendu c’est shatterred, flummoxed et knackered) et je suis arrivé à ce check point sans aucune énergie. Juste avant d’y arriver j’avais eu des hallucinations qui m’avaient fait faire quelques centaines de mètres dans la mauvaise direction mais j’étais tellement déterminé à réussir à atteindre l’arrivée que cela ne m’avait pas du tout découragé.

En tout cas quand je suis arrivé au Pen-y-ghent café je ne devais pas avoir l’air bien quand Mike m’a pris en charge. Il m’a fait m’asseoir sur un banc, s’est occupé de me commander une soupe et du café, a fait l’inventaire de mon sac, m’a sorti ma veste en Primaloft, m’a questionné sur ce que javais mangé et bu pendant la nuit, m’a prescrit au moins 2 heures de sommeil, m’a obligé à changer de gants car mes gants Camp était tout trempés, a refait mon sac pour que tout soit en ordre quand j’allais repartir,

J’ai voulu trouver un moyen de le remercier mais il n’a rien accepté sauf ma cartouche de gaz inutilisée et qui n’allait pas pouvoir reprendre l’avion. Il a refusé de la récupérer à Horton car je pourrais encore avoir à faire face à une vérification de matériel obligatoire avant l’arrivée et cela aurait été vraiment ballot de me faire disqualifier pour ça.

Pour moi cette rencontre aura été un des sommet de la course. C’était l’humanité dans ce qu’elle a de meilleur. De la générosité, de l’abnégation, de la pure empathie, de la compréhension non verbale.

Il m’a dit qu’il avait fini le Challenger en 52 heures 1 an avant mais je n’ai pas trouvé de Mike dans les arrivants de 2016. J’aurais bien voulu pouvoir rester en contact avec lui et heureusement, au moment même ou j’étais en train d’écrire ces lignes, après avoir signalé sur FB l’existence de mon CR The Spine Challenger, voilà que Mike me fait une demande d’amis. J’espère que nous aurons l’occasion de nous revoir.

Il était encore là à mon arrivée à Hawes. A quelques mètres de la fin il m’a dit que cela se sprintait et grâce à lui j’ai franchi la ligne d’arrivé en courant. Mon téléphone est tombé sur le trottoir, il me l’a ramassé. J’ai eu la présence d’esprit de lui demander de récupérer ma cartouche de gaz maintenant qu’on ne pourrait plus rien me dire si elle n’était pas dans mon sac.

On s’est encore retrouvé au pub le soir mais malheureusement sans avoir le temps de boire une pinte ensemble.

Caroline

J’ai rencontré Caroline en 2016. Comme en 2016 j’avais abandonné très tôt j’avais essayé d’aider les organisateurs aux check points d’Hebden Bridge et de Hawes. Caroline était bénévole sur l’organisation et elle m’a emmené dans son combi d’Hebden à Hawes. Elle m’a montré les dégâts que venait de causer en décembre 2015 la pire inondation qu’ai jamais connue la région. Les péniches se sont retrouvées dans les champs.

Elle connaît très bien la région et elle m’a parlé du Bog Monster qui guette les randonneurs qui se perdent sur la Pennine Way. Elle s’y connaît aussi en bière et maintenant quand je bois une Black Sheep je pense à elle.

En 2017 je ne l’ai revue que très brièvement lors de l’installation des balises GPS sur nos sacs à dos et sur la route au point de contrôle de Wessenden mais ça m’a fait bien plaisir.

Wijnand

J’ai rencontré Wijnand à la tombée du jour samedi et on s’est séparé aux alentours du lever du soleil le lendemain matin. Comme les nuits sont très longues en hiver dans le nord de l’Angleterre on est donc resté environ 14 heures ensemble.

Malheureusement nous n’avons presque pas parlé avec Wijnand, je n’ai pas réussi à comprendre son prénom et je ne sais même pas ce qu’il fait dans la vie. Sa capacité de naviguer avec les cartes efficacement et sans perdre de temps m’a vraiment impressionné. J’aimerais bien m’y mettre moi même mais j’ai peur que ce soit trop chronophage en course.

Des habitants

Avec Wijnand, le premier soir, on est tombé sur un couple entre 2 ages qui sortait de chez eux. Ils ont essayé de nous dissuader de continuer en nous disant que chez eu il y avait des bon lits et des douches chaudes. C’était vraiment sympa.

Eugeni

Eugeni c’est un catalan. On s’est retrouvé dans la même chambre au YHA d’Edale la veille du départ. On a eu beaucoup de mal à communiquer car il ne parle ni anglais ni français. Il fait partie des vainqueurs de The Spine (la grande). Il montrait à tout le monde une photo de ses mollets en sang à cause de la neige lors de son arrivée victorieuse. Il fait partie des personnages légendaires que l’on peut rencontrer là bas.

C’est un gars vraiment sympa qui fume des roulées (beaucoup) et boit des bières la veille d’une course pour laquelle il part pour gagner. Malgré la barrière de la langue ce fut une rencontre assez marquante, ce gars m’a vraiment impressionné.

Les gars du café Pen-Y-Ghent à Horton

J’y ai rencontré surtout Mike mais il y avait pas mal de monde dans ce bar au petit matin du dernier jour de la couse. Paul a trouvé qu’il y avait une ambiance d’hôpital militaire pendant la bataille avec plein d’éclopés qui soignaient leurs blessures. Il y avait aussi là les 2 gars qui m’avaient emmené sur Pen-Y-Ghent pendant la nuit, Giles et Richard. Dans son « race report« , Giles parle plusieurs fois de moi et 2 fois il utilise le mot « Shattered » (brisé), un nouveau mot pour moi et il me fait beaucoup rire jaune.

I was shattered but I did finished it. And with an ineffable pleasure, the pleasure of a very slow but nevertheless still steady pace of about 0.5 mph.

Cela m’inspire in Haïku en anglais :

I was shattered
But I managed to finish
What a lovely day

Le gars de Manchester

Peu après avoir choisi de me passer des qualité de navigateur de Wijnand je me suis donc retrouvé à naviguer « by myself » et je crois que c’est pas très longtemps après que j’ai rencontré le « gars de Manchester. » Il s’agit de Rob en fait, peu après Wessenden réservoir je me demandais où aller ensuite et dans le doute je suis repartis en arrière pour tomber sur Rob que je venais de doubler qui m’a juste expliqué que juste après le tournant, j’allais tomber sur un « signpost » vers la gauche qui allait me donner la direction de la marche à suivre. Pour moi rencontrer un gars qui connaissait aussi bien la Pennine Way était une pure aubaine et ensuite, comme le chemin était évident, je l’ai laissé derrière moi.

On s’est ensuite retrouvé une première foi au point de contrôle après Wessenden et là il est reparti assez vite tandis que Wijnand me proposait sa collaboration.

On s’est ensuite retrouvé environ 30 heures après sur Fountain Fell où Rob a de nouveau sauvé mon voyage en me montrant comment descendre d’un sommet que je ne comprenais pas à ce moment là. Je suis présent dans son race report et je crois que c’est de moi dont-il parle dans la citation suivante : « Heading towards Crowden the sun was out and it was warm enough to go down to base-layers, although not everyone agreed as a Frenchman jogged past in full waterproofs, balaclava and goggles »

Une bergère en 4×4

Le deuxième jour, dans l’après midi, je progressais tranquillement sur un chemin encadré par de très jolis murs de pierre sèche quand une femme au loin m’a demandé, par de grand gestes de me mettre sur le côté. J’ai cru qu’il fallait que je quitte le chemin pour atteindre un ravito impromptu mais non, il s’agissait de laisser passer un immense troupeau de moutons poussé par son mari en quad.

L’image est féérique et je poursuis mon chemin. Arrivé à la hauteur de la dame je lui demande si je suis bien sur la Pennine Way. Elle me dit que non et me propose gentiment de m’y conduire dans son gros 4×4. Je décline courtoisement en lui expliquant que je suis en course et que je ne peut pas monter dans une voiture. Elle me propose alors de la suivre et elle a roulé au pas le temps de me remettre sur le droit chemin.

Peut-être qu’elle parle elle aussi de notre rencontre dans son blog ?

Peter

On a rencontré Peter sur le quai de la gare de Garsdale avec Manu. Il venait d’abandonner sur le grands Spine (il raconte ses misères ici) et on eu pas mal de temps pour papoter dans le train vers Leeds.

Voici quelques éléments de notre discussion

  • Pour le Challenger le premier jour, les conditions étaient hivernales avec beaucoup de neige mais pour The Spine le départ était le lendemain et la neige avait fondue. Les traversées de rivière étaient assez dangereuses et c’est après avoir eu des tranchées dans ses pieds trempés que Peter a du abandonner.
  • En course on prend très souvent des décisions que l’on ne devrait pas prendre comme par exemple traverser une rivière infranchissable.
  • Cela lui a fait penser à une course extraordinaire qu’il a fait en Écosse, il s’agit d’une course qui se coure en équipe de 5, 3 navigateurs et 2 coureurs. Les navigateurs conduisent les coureurs d’îles en îles et les coureurs doivent atteindre le sommet et redescendre. Pendant les traversées les coureurs sont installés dans les coques d’un catamaran et nourrit par au dessus. Là le danger était dans un brouillard épais qui aurait du décourager des coureurs qui n’étaient pas des navigateurs (au sens orientation) aguerris et leur éviter de se paumer sur les pentes.
  • Peter m’a fait penser au film Navigator de Ken Loach car il avait acheté un billet de train pour rentrer chez lui dans le sud de l’Angleterre et il s’est rendu compte en lisant les petites lignes sur son billet qu’il n’avait pas le droit de passer par Londres avec ce billet. La contrôleuse était confuse et en plus son nouveau terminal de facturation ne lui permettait pas de rembourser un voyageur. Peter a encaissé cette mésaventure avec beaucoup de flegme et de courtoisie.
  • Il m’a demandé ce qui pouvait bien nous attirer en Angleterre alors qu’il y a tant de courses mythiques qui font rêver les anglais en France. Ça nous a lancé sur plein de discussion sur l’UTMB trop organisé et les ultra anglais beaucoup plus simple, sans certificat médical ridicule (choquant même du point de vue de Peter), sans signaleurs, sans rubalise voir même sans ravito (comme The Spine au hasard).

Moi

Et oui j’allais oublier, c’est sur que je me suis rencontré moi-même sur The Spine Challenger. J’ai découvert une partie de moi même que je ne soupçonnais pas.

J’ai eu par la suite une discussion très intéressante avec ma fille qui est en première année de fac de philo. Elle m’expliquait en substance que l’éducation concernait les enfants et que la philosophie c’était l’éducation des adultes. C’est sans doute ce sur quoi je suis tombé. A 50 ans, on peut avoir l’impression que la vie est finie, que l’on sait qui on est et qu’il n’y a plus rien à découvrir et The Spine m’a fait découvrir tout le contraire. De nouvelles réflexions et pensées sont toujours possibles, c’est rassurant.

Bon en tout cas j’y retourne en 2018 et cette foi ci pour la grande cours, 268 miles en 7 jours.

 

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