J’écris ce compte rendu plusieurs mois après la fin de ce trail juste pour mon plaisir. Malheureusement j’ai sans doute oublié les trois quart de ce que je comptais initialement inclure dans ce compte rendu.
La Norman Conquest est un trail organisé par un genre d’artisans organisateur qui met à contribution ses parents et sa famille sans doute pour s’en sortir financièrement. Il s’agit donc d’une organisation probablement à but commercial mais dans le bon sens du terme puisqu’on se rend bien compte que le gars se décarcasse pour que ça marche bien malgré ses tout petits moyens. Cela dit le T-shirt est superbe et la médaille pas oubliée.
J’avais choisi ce trail car j’avais envie de me lancer dans un 100km (ce sera fait plusieurs mois plus tard avec Race to The Stones) et que la distance de 50 mile correspond à juste un peu moins que 2 marathons. La distance parfaite entre les trails classique de mon coin comme les poilus ou la bouillonnante. Donc un 50 mile pour préparer un futur 100km.
Au niveau de la logistique c’est à peu près l’idéal pour un gars qui habite dans la métropole lilloise. Le départ de la course est situé à moins de 200km de Lille et l’organisateur autorise que l’on arrive avec son sac de couchage pour dormir sur place la veille du départ.
J’ai donc choisi cette option car mon idée de trail chez les anglais est aussi de rencontrer des vrais anglais dans leurs propres univers. L’ambiance était assez surréaliste dans la toute petite salle des fêtes (un genre de salle paroissiale) qui accueillait des coureur venu presque tous d’Angleterre mais avec certains bien typés japonais. La matin j’ai eu l’impression de revivre certaines scènes du grand bleu avec les japonais qui se déguisaient en traileurs…
Comme la course royale de la journée est une boucle de 100 mile (tout le monde s’est perdu, un seul est arrivé sur la quinzaine au départ), ceux qui ont choisi le 50 mile sont acheminés en bus jusqu’à l’endroit du départ. Je me suis retrouvé à coté de Terry dans ce bus et on a essayé de sympathiser.
La course.
La navigation étant annoncée comme « juste un peu » compliquée (typique understatement britannique) et qu’il fallait se munir d’une carte (genre IGN) et d’une boussole pour prétendre prendre le départ, j’avais prévus le coup en partant avec mon smartphone, l’application Locus et le fichier GPX de la course. A peine 100m après le départ mon Galaxy s’est mis à émettre le bip indiquant que nous n’étions plus sur le parcours. Comme nous étions au milieu du petit troupeau des coureurs, j’ai pensé que ce bazar commençait mal et qu’il fallait rapidement que je trouve un navigateur compétent pour espérer aller au bout du parcours. Il s’avère qu’en fait Locus avait raison et c’était bien déjà la première erreur de navigation que je commettais. On appelle ça du jardinage en trail et quand j’ai expliqué ça à mes collègues britanniques ils m’ont répondu sobrement « it makes sense ». En tout cas aucun balisage n’était prévu pour le parcours…
Il s’est donc finalement avéré qu’avec ce Locus j’étais le roi du pétrole question navigation et Terry (un mécanicien, ancien d’Afghanistan), Tom (agent immobilier) et David (infirmier psychiatrique) sont devenus (par pur intérêt ?) mes compagnons pour la journée. Je crois que ça ne leur a pas fait que plaisir de se faire guider par un frenchie et heureusement pour moi, je n’ai pas compris toutes les bonnes blagues anti français qu’ils ont pu proférer pour leur détente. J’ai par exemple cru comprendre qu’un million de français ça doit être terrible au niveau odeur car il parait que les français ne se lavent pas. Vous voyez le niveau ? Mais quand même je tiens à vous rassurer, j’ai adoré passer cette journée avec ces « vrais » anglais, pas des upper classe, des travailleurs comme vous et moi…
Bon, revenons à la course. Elle commençait par une assez longue descente que l’on peut qualifier de « modérément technique » (je déteste ce terme de technique qui signifie, dans l’univers du trail, qu’il faut faire attention à où on met les pieds…) mais à peine à un kilomètre du départ je me suis « croqué » le pied dans un de ces fucking de trou de ce sentier de roastbeef. Terry m’a demandé si ça allait et j’ai continué les 88km suivant avec une sacré douleur dans le pied…
Après cette descente, la campagne était terrible, nous avons traversé des vignobles, un cimetière de chevaux, des parc de châteaux, des cimetières très bucoliques, un marais ensoleillé… En fait un paysage sublime que vous pourrez peut-être apercevoir sur certaines des mauvaises photos que j’ai « tiré » (comme on dit en Bretagne) ce jour là.
Les pit stop (ravito en français mais on est dans le Kent, n’oubliez pas…) n’étaient généralement pas juste sur le parcours (pas le droit d’installer des buvettes sur un sentier de randonnée en Angleterre, manifestement on ne rigole pas avec ça…) et dans certains cas c’était vraiment très pénible de faire presque 1 kilomètre dans une direction pour revenir ensuite sur nos pas. En guise de ravito, des chips et des barre du genre Mars. On fait mieux au niveau diététique de l’effort. Pas un fruit sec, aucune binouze (comme dirait le frère Tuc), rien de bon à se mettre sous la dent. Prévoyez une alimentation personnelle si vous partez courir outre Manche… Heureusement je n’avais pas vraiment prévu mais j’avais une provision de bananes séchées, figues et dates qui m’ont soutenu pendant la journée.
Énormément de franchissement de clôtures pendant la journée. Au début c’est marrant mais à la fin ça fait vraiment mal dans les quadri de lever la patte pour sortir d’un champ. J’avais déjà été confronté à ce genre d’obstacles lors de la Grande Alliance, le Off de la confrérie de février dernier mais là il y en avait mille fois plus.
On s’est aussi pas mal paumé malgré les beep beep de Locus. Certains passages étaient presque impossible à trouver et on pensait à ceux qui allaient devoir essayer de trouver leur chemin au milieu de la nuit. Pas étonnant qu’un seul s’en soit sorti sur la distance de 100 mile.
Dans mon équipe de quatre tout le monde a pas mal galéré mais la solidarité a prévalu (je me souviens bien d’un « you ok ? » de Tom) et on est arrivé ensemble, presque la main dans la main à destination et ayant parcouru 55 miles (89 kilomètres) au lieu des 50 du programme.