CR Race to the Stones 100km 1000D+

Après être allé courir la Norman Conquest 50 mile en mai cette année, j’avais la possibilité de courir encore le week-end du 14 juillet. Faute d’ultra dans le Nord ou en Belgique à cette période, j’ai jeté mon dévolu sur Race To The Stones, un superbe 100km, qui se court dans la campagne Anglaise, tout prêt de Londres et de l’aéroport d’Heathrow.

La course en bien organisée même si les tarifs sont assez élevés, surtout comparé aux prix des trails dans le Nord et en Belgique. £119 pour l’inscription (presque 140 euros) et le bus du retour n’est pas inclus (encore £25 de plus…). Bon, comme je n’avais pas le choix et que j’adore aller courir en Angleterre, je n’ai pas hésité longtemps et je n’ai pas regretté.

Le cadre de cette course est sublime. Il s’agit d’un chemin (The Ridgeway) qui date de l’époque préhistorique (âge de bronze tardif ,) et que les anglais ont réussi à bien conserver. La campagne est très belle, on traverse des golf, on longe des cimetières moussus, on contemple des églises typiques, on courre dans des fossés creusés il y a des millénaires ((les Grim’s Ditch), on traverse une forteresse de l’âge du fer  (Barbury castle), on longe la Tamise avec ses collégiens qui préparent la fameuse courses qui oppose Cambridge à Oxford et on finit même en faisant le tour d’un alignement de menhirs digne de Carnac (le monument néolithique d’Avebury), d’où d’ailleurs le nom de Race To The Stones.

Préparatifs.

Depuis Janvier j’ai déjà couru plus de 1500 kilomètres et en particulier la Norman Conquest 50 mile qui m’a permis de ne pas trop être surpris ni par l’organisation britannique (il y a des ravitos que l’on appelle ici pit stop mais que l’on peu oublier au niveau de la nourriture : que des trucs industriels genre chips et barre Mars, aucun fruit sec, pas de boisson de l’effort ni encore moins de bière ou truc sympa du genre), ni par la distance (avec le jardinage le 50 mile s’était transformé en 55 miles ou 89 kilomètres).

J’avais réservé un hôtel à High-Wycombe et trouvé 3 anglais à covoiturer grâce à Facebook. La logistique n’a pas posé de problème particulier en tout cas jusqu’à l’arrivée…

J’étais assez embêté par mes 2 tendons d’Achille qui étaient suffisamment enflammé jusqu’au matin du départ pour que je me demande si c’était bien raisonnable de m’engager dans cette galère.

Ma course.

Les premiers kilomètres se sont passés à étudier les réactions de mes tendons, finalement, après 10 kilomètres d’échauffement je n’y ai plus prêté aucune attention d’autant qu’au douzième kilomètre après avoir raté le premier pit stop (en Angleterre, ils s’obstinent à mettre les ravito à 500m à gauche ou à droite du parcours. Si on ne capte pas le truc on a vite fait d’en shunter un ou 2), et ne percevant plus aucune information  inquiétante de mes tendons, je m’étais mis à courir à près de 12 km/h dans un faux plat descendant en me disant stupidement « les meilleurs traileurs ont une foulée aérienne, je vais essayer de les imiter, je suis un oiseau, je vole… » quand je me suis très violemment étalé sur mon épaule droite.

Les 20 kilomètres qui ont suivi ont été un cauchemar. J’aurais pu facilement rebrousser chemin mais comme mes clops étaient à 90km de l’autre côté, dans mon drop bag d’arrivée, je me suis dit que c’était trop bête d’arrêter après avoir fait autant de kilomètres rien que pour abandonner. Au pit stop suivant ma chute, j’ai fait semblant de rien (même si mon coude était en sang et mon t-shirt déchiré à l’épaule) de peur que l’on m’empêche de continuer. J’ai lu des récit de coureur du tour de France qui continue malgré des fractures diverses et je les comprend mieux maintenant.

La température était épouvantable, pas d’air, pas toujours de l’ombre (en particulier pendant une portion qui m’a semblé interminable le long de la Tamise). Je me demandais s’il était préférable de courir en plein soleil pour aller se reposer  l’ombre où de marcher au soleil pour ensuite courir à l’ombre. De toute façon il n’y avait pas d’ombre à ce moment là. D’après les commentaires de ce compte rendu, publié dans le Guardian, il faisait près de 30° à l’ombre et 50° au soleil. La journée la plus chaude qu’ait connu l’Angleterre depuis ces 3 dernières années…

Au pit stop du 30° kilomètre, après avoir eu beaucoup de mal à progresser et m’être préparé mentalement à finir ce calvaire en plus de 20 heures, je me suis résolu à consulter un toubib de l’organisation. Il m’a pansé et donné 2 pilules rouge pour lutter contre la douleur en me disant que je pouvais continuer car courir n’allait ni améliorer ni empirer la situation. Je ne sais pas si ces pilules sont autorisées au Tour de France mais je soupçonne Froome d’en avoir abusé lors de la fameuse ascension du Ventoux car après quelques kilomètres je n’ai plus rien senti comme douleur dans l’épaule ni nulle part ailleurs en plus.

J’ai eu quelques difficultés à me faire un camarade de galère car beaucoup des gars qui avaient l’air sympa avaient un tel accent que toute tentative de conversation était très pénible pour eux autant que pour moi qui, soit n’y comprenait rien, soit était obligé de demander de répéter…

Heureusement j’ai rencontré Mathieu au ravito du 40°. C’est bête mais je me suis distingué en choisissant de me faire servir un café au pit stop. La marshall qui me l’a servi m’a dit que j’étais vraiment bien un français (elle m’avait repéré lors de la remise des dossards) et des anglais m’ont fait remarquer  que c’était très distingué de prendre le temps de boire un café sur un ultra. Les anglais ont manifestement une vision des français qui se rapproche de celles que l’on peu avoir des anglais. Ils nous considèrent comme distingués et bien élevés. Je me demande bien où ils ont été cherché ça mais je l’ai aussi constaté, en regardant la télé à l’hôtel pendant la traditionnelle nuit blanche de préparation de course « importante », dans une pub pour du cidre français où on à l’impression qu’ils ont choisi le prototype de l’anglais pour faire le hobereau français qui va cueillir les pommes à la main dans les verger avant de les conduire au pressoir dans son break de chasse… Étrange sensation d’être au pays d’Alice au pays des merveilles, sans repère sociaux avec des miroirs qui empêchent de percevoir la réalité.

Bon donc ce Mathieu, rencontré au 40° kilomètre, aura été le compagnon de course parfait avec pas mal de conversation et un rythme assez proche du mien (moins rapide en course mais difficile à suivre en marche).

Il a commencé à me surprendre en rêvant, à ce moment là, d’en finir en moins de 14 heures. Cette idée m’était complètement sortie de la tête, je m’étais préparé à finir en plus de 20 heures à cause de la chaleur et de mon épaule.

Il s’est avéré que son idée n’était pas aussi idiote que ça puisque nous avons fini en un peu plus de 15 heures en ne voyant quasiment pas passer les 60 derniers kilomètres. C’est ça que j’aime bien dans l’ultra. On peut être mal, très mal même, mais on continue et tout ça fini par passer. Nos organismes nous émerveillent quand on se confronte à ce genre d’épreuve. L’ultra, la quête de l’émerveillement…

Je suis sur que Mathieu comprend ce dernier paragraphe mais nos discussions ont balayé un champ culturel infini, du latin et grec dans les études en Angleterre à la tragédie des anticommuns en passant par la prise de photos en lumière polarisée, une collection de stylos, les hydracariens,  Aristote et Diogène.

Un autre sujet de conversation qui mérite un petit développement est le dopage dans le Trail.  Nous avons tous les 2 apparemment la même pratique assez « clean » en condamnant par exemple le recours à l’aspirine pour accélérer la récupération. Le principe de Mathieu est assez simple : tout truc pris alors qu’on ne le prend pas habituellement est déjà une forme de dopage. Nous avons même convenu que le jus de betterave (qui améliorerait sensiblement la capacité du sang à transporter l’oxygène) pourrait être déjà une forme de dopage. Cela dit, à ce compte la, je ne jure pas de ne jamais recourir au jus de betterave ou du moins ne pas à inclure plus de betterave crue (une crudité que j’adore) dans mon alimentation pré compétition. Pourquoi pas même des petits batonets de betterave pour la course ? Autre question, la betterave faisait-elle partie de l’alimentation des hommes du néolithique (et serait-elle donc compatible avec un régime paéo strict ?) ?

Au heures très chaudes de la journée, j’ai expérimenté une nouvelle technique de trail. La technique chameau. Il s’agit de boire le maximum d’eau à l’oasis et de ne presque plus rien boire jusqu’à l’oasis suivante. Étonnamment, ça a pas mal marché et ça a failli mal finir car à force de ne plus remplir ma poche à eau à chaque pit stop je me suis retrouvé sans une goutte d’eau alors que le pit stop suivant était plus éloigné que d’habitude. Très pénible de courir en ayant VRAIMENT soif… D’autant que la panique n’est jamais loin dans ce genre de situation.

Quand Mathieu a eu un petit coup d’hypoglycémie (enfin je dit ça, je ne suis pas médecin…), je suis resté avec lui jusqu’à ce que ça aille mieux. On a marché pendant environ 10 kilomètres à ce moment là (vers le 70°).

Sur la fin nous avions des ailes même si lorsque nous avons allumé les frontales, nous progressions des des ornières très casses pattes qui empêchaient de courir.

Lorsque nous avons vu les lumières de ce qui pouvait bien être l’arrivée, nous étions tout heureux. Les 14 heures étaient encore presque jouables mais malheureusement avant d’atteindre cette fucking arrivée, il a fallu continuer sur le haut d’un coteau, descendre dans une vallée et remonter vers ces bloody menhirs avant de revenir sur nos pas et de traverser une interminable pâture. En fait les menhirs à la lueur de la frontale, ça ne donne pas vraiment et nous n’avions pas l’esprit à guetter les farfadets…

L’arrivée fut sublime avec  les applaudissement d’un petit groupe de gens qui étaient venu attendre leurs amis, femme ou mari.

Juste après l’arrivée, le chameau a régurgité un déluge de flotte, comme si la Tamise se déversait dans une poubelle qui n’avait rien demandé et il a du attendre plus d’une heure avant d’être assez bien pour allumer sa première clop. Incroyable.

Récupération.

Impossible de dormir après une épreuve pareille. C’est l’accumulation d’adrénaline d’après Mathieu. En tout cas j’avais mal partout et l’impression d’être mal quelque soit la position que j’adoptai dans le lit. De plus, la douleur dans mon épaule s’était  réveillée.

On se rassure en se disant que toutes ces douleurs, c’est le corps qui se régénère. Mais putain, il ne pourrait pas le faire en nous laissant dormir un peu non ?

Sensations très proche de celles d’une très grosse gueule de bois. A la foi l’impression de payer pour tout le plaisir pris et aussi la culpabilité d’avoir abusé. A la différence de la gueule de bois, l’idée de faire moins fort la prochaine fois est remplacée par l’envie d’en faire encore plus, plus loin, plus longtemps car c’est vraiment bien l’ultra.

Deux jour après, après une deuxième nuit très éprouvante, j’ai eu l’impression d’être Astérix qui enfilait le pantalon d’Obélix lorsque j’ai enfilé le froc de mon costard de boulot. Malheureusement une semaine après on n’en parle plus d’autant que pour récupérer on a tendance à bouffer deux fois trop comme si le corps commençait déjà à faire des provisions pour la prochaine épreuve…

Post scriptum.

PS1 : Pour cette course, qui m’a vraiment inspiré, j’ai aussi produit un petit race report en Anglais et un CR matos à part pour ne pas polluer cette littérature.

PS2 : Voici maintenant mon fichier gps dans Endomondo. Ce fichier proivient d’un enregistrement de parcours réalisé avec l’application Locus sur mon Galaxy Notes 2.

PS3 : Données d’après mon keymaze :  104 kilomètres 1086 de dénivelé positif.

PS4 : j’ai choisi une photo de moi pour illustrer cet article. Je ne ce me comprend pas moi même en ce qui concerne ce choix. Je l’ai choisi pour la raideur visible dans le bras droit qui me fait ressembler à un gladiateur romain, probablement un mirmillon,  avec le bras raide, raidi par l’armure ou par la douleur.

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