Avec Manu on avait voulu refaire le Spine cet hiver mais comme on n’a pas été pris on a eu l’idée d’une grosse semaine de rando hivernale avec Domi. Un pendant hivernal à notre rendez- vous estival (GTCO, GTCA, Escauboutistes).
On avait d’abord pensé à une traversée de l’Écosse mais vu le bordel du Covid on a eu cette idée de la traversée des Vosges en hiver un peu à la dernière minute et on est parti un peu à l’arrache. Manu avait pris une bouteille d’un excellent whisky irlandais, légèrement tourbé et pas du tout iodé, que nous avons siroté tranquillement le soir, dans la montagne en trinquant à son EVG (Enterrement de Vie de Garçon).
Pour le parcours on ne s’est pas cassé la tête, on commence par le GR53 à Saverne et on compte finir par le GR5 du côté de Belfort. 290 kilomètres d’après la trace, environ 40 kilomètres par jour, sur le papier ça passe facile en une semaine.
Le parcours nous a enchanté, pas mal de dénivelé, des châteaux forts en veux tu, en voilà, des paysages sublimes, du froid, de la neige tous les jours, des petits sentiers, presque jamais de bitume, des étapes costaudes, des habitants gentils (sauf le dragon de Ribeauvillé qui a emmerdé Domi à cause de son masque dans un troquet où personne n’en portait et où encore pire avec les gentilles règles Covid en vigueur des habitués jouaient aux dés au comptoir, Domi a failli se mettre en colère, c’est dire), mais revenons à ce qui était chouette sur ce GR, marcher toute une journée au soleil au dessus des nuages, des auberges tous les jours et parfois midi et soir, des traces de la terrible guerre de 14, un camp de concentration, le Struthof, une sinistre mémoire, des sapins, des sapins et encore des sapins mais ça va, surtout en hiver car ce qui n’est pas sapin est sans feuilles, des levers et couchers de soleil à couper le souffle, des cabanes pour dormir (merci beaucoup au club vosgien pour tout ce boulot d’aménagement et d’entretien), un lézard, une mouche et une cigogne (Domi est un poil déçu, il guettait les bêtes qui en avaient (des poils)), de la gastronomie étonnante passant par une entrecôte passée au fer à de délicieuses fleishnakas et j’en passe beaucoup, pas de pluie, pas d’engelures.
Nos étapes
Jour 1 De Saverne au col de la Schleif.
GR53 – 27 km- 1000m de d+
On démarre sur le GR53 de la gare de Saverne vers 15h. La signalétique Vosgienne nous déconcerte, on n’a pas affaire au traditionnel sigle rouge et blanc mais c’est un simple rectangle rouge, il n’y a pas d’indication de changement de direction avant le changement lui même, pas de croix pour indiquer une sortie de piste et pire ils ont utilisé la croix pour un petit circuit à Saverne ce qui fait qu’on aurait pu croire qu’on n’était pas sur le GR. Heureusement il y a beaucoup de ces rectangles rouges et quand on ne les voit plus Locus est notre ami.
Tout de suite c’est beau, un superbe château fort trône sur un socle de grès rose. On quitte momentanément le GR53 pour aller manger à Dabo dans la première de nos excellentes auberges, en quittant Dabo on jardine un peu et on arrive dans la neige. Au col de la Schleif une cabane sans porte nous permet de passer la nuit. On a très froid aux mains mais ça va.
Jour 2 Du col de la Schleif au col du Narion
Gr53 – 41 km – 1500m de D+
Nous partons avec le lever du jour, dans la neige, on passe, sans le voir, près du refuge du Schneeberg qui a été brûlé par un sagouin qui sévit dans la région, dommage, il paraît que c’était une cabane avec poêle. On espère déjeuner à Urmatt mais on avance beaucoup moins vite que prévu et ça va être chaud. Au Nideck on se régale avec un beau sentier, un château fort, une très belle cascade pour finir par l’entrecôte au fer dont j’ai déjà parlé dans une auberge inattendue mais atteinte pile à l’heure du déjeuner.
On traîne deux heures dans cette auberge, ça nous coûte assez cher, et on atteint Urmatt à la tombée de la nuit.
On repère sur la carte une série de cabanes entre le rocher de Mutzig et le col du Donon comme c’est à plus de 1000m cette crête on voudrait bien atteindre Schirmek avant minuit pour dormir. La montée vers la très belle porte de pierre, un rocher avec deux piliers et un trou au milieu, est assez épuisante pour nos guiboles pas encore endurcies par la montagne. Il y a maintenant 30cm de neige mais heureusement une trace bien visible, facile à suivre et surtout bien damée.
Au col du Narion, à 927m d’altitude, il y a beaucoup de neige, une cabane médiocre, ouverte entièrement sur un côté, mais tout le monde est crevé et après un petit conciliabule nous décidons de rester là, lyophilisé, whisky et au lit. Pas très rassurés par notre équipement dans ces conditions. On se dit que si l’un d’entre nous caillait trop, priorité au mouvement et nous repartirions.
Jour 3 Du Col du Narion à Le Hohwald
GR53 GR5 – 43km – 1200m de D+
En fait on dort bien, c’est très calme et on n’a pas froid.
On repart dans la neige, au col de la côte de l’Engin on passe sur le GR5, en provenance de Hollande et en direction de Nice. Présence de la mémoire de la guerre de 14.
On arrive au sommet du Donon, c’est merveilleux, un temple romain au sommet de la montagne, le brouillard givrant a créé des concrétions de glace sur la pierre multi millénaire, ça caille, on ne s’attarde pas.
Longue descente vers Schirmek que l’on atteint vers midi, heureusement qu’on n’avait pas essayé d’atteindre ce village hier soir. Super auberge très simple et très bonne.
Après Schirmek ça monte, on passe sans s’arrêter au camp de concentration du Struthof et on espère arriver à Hohwald avec des restaurants ouverts. Du coup on shunte la montée en quasi aller retour vers le sommet du Champ du Feu et on descend rapidement vers Le Hohwald.
Encore une bonne auberge très simple et pour dormir il y a débat, je suis partisan d’une cabane à 5/6 kilomètres dans la montagne mais pas trop Domi et Manu. Finalement, les toilettes publiques de Le Hohwald, chauffée et très propres, nous réconcilient et c’est là que nous passons la nuit.
Jour 4 De Le Hohwald à Châtenois
GR53 – 51km – 1540m de D+
Il est temps de penser à notre première douche des vacances et nous réservons un hôtel à Châtenois.
On va en chier pour y arriver, c’est loin, Manu mène le train vers le charmant Mont Sainte Odile, on mange juste un sandwich à Barr et on attaque la montée vers le Ungersberg, c’est une très longue montée le long d’une rivière, Manu nous entraîne, on ne lâche rien, pas de pause sauf au niveau du refuge Gruckert (fermé) et on arrive au sommet du Ungersberg, on a gagné plus d’une heure sur le temps indiqué à Barr, on est content, on devrait arriver à une heure convenable à notre hôtel. Dans la descente on fonce quand même autant qu’on peut, on n’arrive pas à prendre beaucoup d’avance sur les temps indiqués sur les panneaux, il faut dire qu’on se fait quand même un pique-nique au soleil avec saucisson, fromage et vin blanc dans la descente.
Les derniers kilomètres dans la plaine avant Châtenois nous semblent interminables, les plus longs kilomètres de toute notre traversée des Vosges.
A Châtenois notre hôtel est super, une grande chambre avec 3 lits sous les toits d’une vieille maison à colombages. On est arrivés vers 19h00, on est épuisé mais enchanté d’avoir le temps de prendre une douche avant de passer à table. Le repas est délicieux.
La journée a été éprouvante, on se rend compte qu’on ne va pas pouvoir continuer comme ça, on se dit que des étapes de 30 bornes ce serait plus sympa et que nous ne sommes pas obligés d’atteindre Belfort pour être heureux.
On essaye d’établir un plan pour atteindre le train à Thann mais on ne trouve rien entre Le Hohneck et Thann pour passer la nuit. Finalement, à Châtenois on décide d’aller jusqu’au Hohneck et de prendre le train à Metzeral
Jour 5 De Châtenois à la cabane des Trois Bancs
Gr5 – 42km – 1900m de D+
C’était censé être une étape cool avec arrêt à Aubure mais comme on a poursuivi jusqu’à la cabane des 3 bancs et qu’on n’avait pas fait gaffe qu’il y aurait le Haut Koenigsbourg, une descente dans la vallée à Ribeauvillé et une montée au sommet du Koenigsstuhl en fait ça n’aura pas été si cool que ça et les 30 kilomètres on peut bien oublier.
Bon, le Haut Koenigsbourg c’est très beau, la descente vers Ribeauvillé merveilleuse avec ses 3 châteaux, Ribeauvillé à la hauteur de ce que doit être un village touristique avec le mauvais traitement infligé à Domi dont j’ai déjà parlé et le Koenigsstuhl je ne m’en rappelle plus.
Par contre à Aubure on a eu une belle surprise, une petite épicerie salon de thé avec des bonnes bières et aussi de délicieux gendarmes.
La cabane des trois bancs est super, il n’y a pas de réseau mais on peut dormir dans une mezzanine. Merci, club Vosgien, pour tes cabanes.
Jour 6 De la cabane des Trois Bancs au refuge des Trois Fours
Gr5 – 36km – 1400m de D+
On avait tellement peur d’avoir froid dans la cabane qu’on a tous les 3 eu trop chaud pendant la nuit. Ça nous a réveillé et on a du enlever nos doudounes et ouvrir nos sacs de couchage pour trouver le sommeil.
La journée est sublime, on est dans la neige, sur une longue crête, on a chaussé nos crampons, il y a un ciel bleu, un froid sec, on est au dessus des nuages, ça fait comme une mer de chaque côté, on voit la forêt noire qui émerge du côté alsacien et les sommets alpins vers le nord. C’est merveilleux. je pense au film Dersou Ouzala que m’a fait découvrir Fabienne.
Ça commence au Rehberg 1141 et ça se poursuit avec le petit Brezouard 1203, le grand Brézouard 1229 une descente vers le village de Bonhomme ou nous prenons un café (zut, on y était trop tôt mais l’auberge avait l’air très bien), et une montée vers la Tête des Faux 1208 avec plein de constructions allemandes datant de la première guerre mondiale.
Au col du Calvaire, nous nous restaurons sur la terrasse d’un self de station de ski, impression bizarre de ne pas être dans notre monde.
Ensuite la crête est toujours très belle au dessus des nuages avec le Gazon du Faing 1306, le Soultzeren Eck 1302, Ringbuhlkopf 1302, Le Tanet 1294 avant d’atteindre le col de la Schlucht.
De là il ne reste plus que quelques kilomètres pour notre objectif, le refuge des Trois Fours.
Nous n’avons pas vu passer la journée, c’était si beau et nous étions bien en forme, entraînés par 6 jours dans la montagne.
On a de l’avance par rapport à l’horaire fixe de 19h00 du repas au refuge. On a le temps de boire une bière. Repas de refuge typique avec de charmants compagnons de table, Gerald, un cuisinier alpiniste, et JF, un organisateur de treks au Népal. Nous passons une bonne soirée avec ces deux belges.
Jour 7 Du refuge des Trois Fours à Munster
HORS GR 16km 323 de D+
On dort mal au refuge, il y faisait trop chaud.
Aujourd’hui c’est Hohneck 1363 et Munster au lieu de Metzeral parce que Munster ça claque mieux que Metzeral pour finir une aventure.
C’est très beau. Après le Hohneck on descend des pistes de ski désertes, on arrive sous les nuages, c’est merveilleux il y a du brouillard givrant, ça fait de très très beaux cristaux sur les branches et sur les graminée.
Épilogue
Je manque de me faire une cheville dans les 2 derniers mètres de sentier. On est content de notre périple de 250 kilomètres et 9600m de dénivelé positif, même si on n’a pas rempli l’objectif initial de finir à Belfort.
On se régale à Munster (restaurant près de la gare), on achète des souvenirs (des trucs qui se boivent et se mangent) et on prend le train pour Colmar.
A Colmar on s’emmerde un peu en errant comme des âmes en peine dans des rues pourtant charmantes. Heureusement Manu nous trouve un restaurant quasi gastronomique pour le soir et c’est un très bon souvenir.
Remerciements
• Je remercie d’abord Manu et Domi. Notre entente était parfaite et nos conditions physiques parfaites aussi. Sans eux ce n’aurait pas été pareil.
• Merci aux restaurateurs de la région qui ne nous auront jamais déçus pendant cette semaine un peu gastronomique.
• Merci au club Vosgien pour les sentiers et les cabanes. Si un jour on s’installe dans le coin c’est sûr qu’on essaiera de se joindre à eux.
• Merci à la Confrérie sans qui nous ne nous serions peut-être pas connus.
• Merci à homo sapiens sapiens qui depuis plusieurs centaines de millier d’année se balade dans les bois d’Afrique et du monde. Clairement cette espèce est faite pour la marche et l’endurance. On a de la chance d’en être.
• Merci à Gaïa la terre pour les beaux paysages de montagne, le soleil et la neige. Pourvu que ça dure.
Permaliens
Juste magnifique, bravo les gars.
Permaliens
Bravo les gars, respect.
Permaliens
Splendide, magnifique périple, bravo à vous trois !
Permaliens
Génial ce récit ! c’est bien écrit ! Et ça donne envie !
Avez vous pu tout faire à pied ? ou besoin de raquettes ?
mercii ! Violette
Permaliens
Bonjour Violette, non nous n’avons pas eu besoin de raquettes, lorsque nous sommes passés vers le Domont il y avait beaucoup de neige mais il y avait un chemin tracé dans la neige et les raquette étaient inutiles. Par contre on s’est bien servi de nos crampons du coté du Honeck, il y avait des plaques de glaces et les crampons aident bien en descente. Les crampons qu’on a utilisé, j’en parle ici : https://trail.x31.fr/test-crampons-nortec-nordic/. Peut-être que certaines années les raquettes sont nécessaires, surtout si la neige est fraiche et que personne n’a eu le temps de créer de trace.